Dernières nouvelles à propos des oméga-3

Un récent essai clinique indique qu’une supplémentation en oméga-3 avec des capsules est inefficace. Que devons-nous en penser ?

Beaucoup de bruit autour des acides gras oméga-3 ces derniers temps.
Notamment pour la prévention des maladies cardiovasculaires, et donc particulièrement intéressant pour nous.
Il faut toutefois faire attention : des résultats présentés comme positifs peuvent cacher une toute autre réalité et des résultats présentés comme négatifs peuvent « dévoiler » une réalité insoupçonnée !
Les bons scientifiques adorent ce genre de situation « inhabituelle » et inattendue car elles sont généralement très informatives.
Mais, attention, ce que certains peuvent interpréter comme des mauvaises nouvelles d’un point de vue mercantile (ce qui n’a rien de honteux, d’ailleurs, chacun son boulot !) peut en fait être une très bonne nouvelle pour la santé publique.
De même, des résultats d’essai clinique apparemment contradictoires avec des essais antérieurs qui faisaient autorité ne doivent pas nous faire rejeter des hypothèse validées dans des conditions et à des époques différentes.
Une autre précaution est de toujours attendre la publication des rapports complets (et ne pas se fonder sur des rapports préliminaires) avant de s’exprimer et tirer des conclusions hâtives.
Nous sommes dans cette situation avec l’essai OMEGA dans le post-infarctus et dont les résultats préliminaires ont été publiés fin Mars 2009.

Cet essai, en résumant le résumé, dit que 1 gramme d’oméga-3 chez des patients survivants d’un infarctus du myocarde n’a pas diminué le risque de mort subite par rapport au placebo.
Comme de nombreux visiteurs de ce blog m’ont demandé mon avis à ce propos, je le donne (un peu forcé), mais je m’excuse à l’avance si je devais après la publication du rapport complet changer un peu d’avis !

Je reproduis in extenso ci-dessous un e-mail adressé à un « blogueur » médecin qui me demandait mon avis :

"Je ne fais jamais (en principe) aucun commentaire sur un essai sans avoir la publication complète en main.
Ceci dit, en admettant que cet essai soit bien conduit, les résultats ne sont pas surprenants du tout et nous avons des résultats comparables à Grenoble.
Une explication possible : les oméga-3 ne sont pas des médicaments mais des nutriments (je ne sais pas combien de fois il faudra le dire !) et ce qui est le plus important ce n'est pas d'être "overdosed" mais de ne pas en manquer, surtout pas de déficience, surtout chez des patients à haut risque de mort subite !
Ceci est connu depuis environ 1998 par les cardiologues suite à DART et GISSI (et même l'étude de LYON et tout le tralala qu'il y eût à l'époque de la publication du rapport final en 1999).
L'étude OMEGA a été conduite entre 2003 et 2008 si j'ai bien compris, donc les médecins traitants et les patients et leurs familles étaient au courant de l'importance des oméga-3 dans le post-infarctus au moins dans une proportion non négligeable (comme le suggère la faible incidence des morts subites au cours de l'essai) ce qui rend la démonstration d'une différence entre les deux groupes plus difficile (voire impossible) à obtenir.
Il est même possible, dans le cadre d'un essai où les patients ont été correctement informés des buts de l'essai, que la consommation de poisson gras ait été semblable (ou très proche) dans les deux groupes, et relativement élevée, rendant l'essai totalement inopérant ...
Pour savoir le fin mot de l'histoire, il faudrait mesurer les oméga-3 dans le sang des patients en cours d'essai (et pas seulement au début).
C'est ce que nous avons fait dans une étude à Grenoble et nous avons observé des taux d'oméga-3 incroyablement hauts chez tous les patients ...
Nous avons donc bien travaillé (je veux dire la collectivité médicale et scientifique) si il n'y a plus de patients déficients en oméga-3 dans le post-infarctus ...
Mais il faudra rester vigilants car une fois le marketing des oméga-3 interrompu (en l'absence de business vraiment intéressant à développer), car il faudra encore et toujours prévenir les déficiences en oméga-3 chez nos patients."

La suite au prochain numéro !