Que penser du nouvel avis de l'Afssa sur les acides gras ?

L’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) vient de faire paraître un nouvel avis concernant les apports nutritionnels conseillés (ANC) pour les acides gras. Comme cette agence est promise à disparaître (absorbée dans une nouvelle institution qui englobera aussi l’Afssaps) prochainement, cet avis sonne un peu comme un testament. On peut se demander si la nouvelle Institution à naître nous fera regretter celle-ci …

Les professionnels de santé, de la nutrition et de l’alimentation avaient-ils ressenti un besoin pressant de nouvelles recommandations concernant les acides gras de l’alimentation ?
Surtout si celles-ci devaient être générées par une expertise collective (le genre d’exercice dont nous avons appris à nous méfier) dont les membres sont rarement indépendants de quelques « lobbying » désormais savamment maquillés …
Quelques amis m’ont demandé de donner un avis, personnel, sur ces nouvelles recommandations.
Comme l’exercice demande un certain travail, notamment un résumé des recommandations, les nouvelles et les anciennes, afin de percevoir quelles en sont les réelles nouveautés, et surtout les réelles motivations, je ne peux le faire maintenant faute de temps.
Si des visiteurs de ce blog insistaient, je m’y plierais évidemment, mais pour le moment, je me contenterais de dire les choses suivantes :
1) ces nouvelles recommandations ne me paraissent pas, en pratique, très déraisonnables quoiqu’elles puissent faire l’objet de quelques contestations évidemment. Elles me paraissent même assez anodines, et pas fondamentalement contradictoires avec la version précédente.
2) sur le plan scientifique, par contre, les justifications données sont parfois très contestables et trahissent une idéologie plus qu’une culture médicale et scientifique bien assumée.
Un seul exemple maintenant, celui du couplet concernant les acides gras saturés qui seraient « athérogènes » pour certains, ou pas pour les autres.
Il faut en fait traduire le mot « athérogène » par celui de « hypercholestérolémiant« .
Autrement dit, selon cette expertise collective (qui baigne encore dans l’idéologie dominante), un acide gras saturés en excès ne peut être délétère que si il contribue à augmenter le cholestérol. Si non, pas de problème !
Voilà trente années de recherche sur les acides gras balayées en une seule expertise : nos experts ne savent visiblement pas que les acides gras saturés peuvent aussi favoriser les thromboses (notamment mais pas seulement) via une augmentation de la réactivité plaquettaire, une sorte d’ effet anti-aspirine pour simplifier les choses à mes visiteurs.
Ils ignorent aussi, hélas, que cet effet procoagulant (ou pro-thrombose), très dangereux, est en partie neutralisé par la consommation d’alcool; cette observation est à l’origine du très populaire concept de « French paradox » que nous avons identifié il y a quelques années déjà.
Mais cette idée que l’alcool, notamment le vin, protège des maladies cardiovasculaires énerve les puritains de tout bord ! Hélas ! Les effets procoagulants des saturés (et la neutralisation partielle par l’alcool) sont des données assez bien documentées à la fois en clinique et sur des modèles expérimentaux validés.
De fait, après avoir été contesté par quelques niaiseux puritains, le concept de French paradox est largement accepté par la communauté scientifique.
Pour les experts de l’Afssa, la nocivité des acides gras saturés passent donc par le cholestérol et rien d’autres : ils ignorent donc (littéralement parlant) aussi ce que c’est qu’un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral, notamment leurs causes et les mécanismes qui y conduisent.
Pour eux, « seul le cholestérol bouche les artères » et un aliment ou un nutriment qui n’augmente pas le cholestérol ne peut être nocif en termes de maladies cardiovasculaires.
Assez désespérant !
Mais est-ce étonnant ?
Pas vraiment en fait, car je ne crois pas qu’un seul de ces experts ait jamais travaillé SUR les maladies cardiovasculaires.
Mais je n’ai pas vérifié, j’ai peu de goût pour les enquêtes de type policière, et si ce n’était pas le cas (c’est-à-dire si il y avait parmi les experts un médecin cardiologue), je préfère ne pas le savoir !
3) pour conclure, sur un plan presque philosophique, j’ajouterais que je ne vois pas un grand intérêt à ces ANC; je crois en effet que ce qui compte c’est le modèle nutritionnel global, plus que les % de tel ou tel nutriment lipidique.
Les modèles méditerranéens, voire japonais (Okinawa), doivent nous servir de guide de conduite.
Si les experts de l’Afssa procédaient ainsi, ils ne serait pas conduits à écrire des choses aussi absurdes et ridicules que des ANC de 15 à 20% pour l’acide oléique.
En effet, l’acide oléique est certes le principal acide gras de l’huile d’olive et de l’huile de colza, mais aussi un des principaux acides gras des graisses animales.
On peut donc consommer cette masse d’acide oléique sous forme de gras de bœuf. Bonjour les dégâts comme on disait autrefois !
Ce n’est évidemment pas ce que les experts de l’Afssa voulaient dire. Ils diront que si on fait de savants calculs entre les % de saturés (les bons et les moins bons), les % d’oméga-6 et les % d’oméga-3, on peut se retrouver avec une forte proportion d’acide oléique qui ne soit pas d’origine animale. Bon ! Beaucoup de calculs avant de se mettre à table ! J’ai envie de dire : à quoi ça sert tout ça ?
Il eût fallu, pour être clair (au moins avec eux-mêmes), entrer dans quelques laborieuses explications, notamment décrire les effets physiologiques de l’acide oléique qui pourraient être favorables quand il est apporté par l’huile d’olive et délétères quand quand il est apporté par la graisse animale …
Difficile à comprendre !
Encore plus simple, il eût fallu faire la distinction entre l’acide oléique végétal et l’acide oléique animal …
De plus en plus compliqué, surtout pour nos experts !
Pas facile la science de la nutrition !
Mais ce blog n’est pas le lieu pour approfondir ces questions !
Bon j’arrête ici.
Bonjour à tous, et à bientôt !