L'essai IMPROVE-IT : un coup pour rien… révélateur de l'époque, quand même !

 
IMPROVE-IT [je résume pour ceux qui ont un peu décroché…] est un énorme essai clinique de l’industriel MERCK visant à tester si l’addition de son anticholestérol l’ézétimibe à sa statine (génériquée depuis plusieurs années) la simvastatine apportait un bénéfice clinique chez des patients qui avaient survécu à un premier infarctus.
J’en ai déjà parlé dans un article précédent qui était excellent à mon avis [voir CHOLESTEROL ET STATINES : DELIQUESCENCE DES ELITES] mais certains m’ont demandé une petite addition ; la voilà !
L’hypothèse alternative [à celle-ci qui était très marketing : ézétimibe+simvastatine est-il mieux que simva toute seule ?] était : est-ce qu’une diminution supplémentaire du cholestérol par rapport à celle obtenue avec une bonne dose de statine est utile ?
Il fallait beaucoup de patients car la simvastatine est en principe [ce n’est pas vrai, mais ils le disent depuis si longtemps…] très efficace ; et l’addition d’un autre médicament ou une diminution additionnelle mineure du cholestérol avaient très peu de chance d’avoir un quelconque effet bénéfique et, dans ce cas, il faut un échantillon important pour « faire parler » la statistique… mais (oups) ces combinaisons sont potentiellement très toxiques…
La réalisation de l’essai va souffrir de plusieurs défauts rédhibitoires :
1) en 2008 (environ une année après le début de l’essai), l’ézétimibe a été accusée de provoquer des cancers sur la base d’un autre essai dit SEAS. Pour l’innocenter (et continuer l’essai), on va désaveugler IMPROVE-IT et clamer haut et fort qu’après une année il n’y avait pas plus de cancers dans le groupe recevant l’ézétimibe. Ce sont les aventures délicieuses de Sir Richard Peto d’Oxford. Tout ça, aussi ridicule soit-il, peut être retrouvé dans la littérature médicale haut-de-gamme qui caractérise notre triste époque. Bref, après seulement une année, IMPROVE-IT est devenu un essai ouvert avec en conséquence une crédibilité fort douteuse.
2) l’essai a été prolongé au-delà de 5 ans [durée de suivi moyen généralement admise comme optimale pour réussir à démontrer une hypothèse sans tomber dans dans l’obscure difficulté de ladite « régression à la moyenne »] jusqu’à 7 ans ; je l’ai déjà raconté ; on connaissait le biais (la triche pour dire les choses vraiment) de l‘arrêt prématuré ; avec IMPROVE-IT, on aura désormais  l’arrêt retardé qui est aussi une façon de tricher ou une violation avérée de ce qu’on appelle l’hypothèse primaire. Bref, on multiple les analyses en prolongeant l’essai avec l’espoir qu’enfin quelque chose arrive. Pauvre science, triste époque !
Je n’ai pas su très bien compter [de toute façon, je ne crois pas un mot de ce qu’ils écrivent] sur ce que les auteurs (ceux qui signent, pas les fantômes qui écrivent…) nous racontent mais j’ai l’impression qu’ils ont procédé à une douzaine d’analyses intérimaires pour finalement arrêter un essai qui depuis 2008 n’était plus conduit en double aveugle. Si je fais abstraction de cet aspect pourtant crucial, je vais exiger une signification statistique (après correction dite de Bonferroni) <0.005 correspondant grosso modo à 0.05 divisé par 12 (le nombre d’analyses intérimaires)… Je ne rentre pas dans les détails…
Les auteurs (et les médias complices) présentent dans un récent article du New England Journal of Medicine (un bréviaire corrompu qui se félicite de l’être…) leurs données comme une confirmation de leurs hypothèses.
En fait, le résultat final et calamiteux est simple : il n’y a pas de différence entre les deux groupes sur la mortalité totale et la mortalité cardiovasculaire, les seuls critères de jugement recevables (et encore…) vu les défauts de l’essai. Pourtant, ils disent que quelques complications pourraient avoir été évitées de façon proportionnelle à la diminution du cholestérol dans un groupe par rapport à l’autre… Si l’on est un peu exigeant sur le plan statistique (voir ci-dessus), il ne se passe rien du tout dans cet essai.
Je ne suis pas le seul à le penser, les commentaires enregistrés ici ou là le montrent sans ambiguïté.
Ce qui n’est pas étonnant puisque le cholestérol est innocent ; et que les médicaments anticholestérol sont inefficaces pour nous protéger des maladies cardiovasculaires. Ce que IMPROVE-IT finalement confirme.
Malgré les évidentes tentatives de tricher… « Ah ! pardon, je n’ai pas fait exprès » diront-ils le jour du jugement !
Plus étonnant, et très inquiétant, c’est l’absence de différence concernant les effets adverses et la toxicité.
Deux médicaments anticholestérol (versus un seul) ; sept ans de suivi, et pas de différence entre les deux groupes ?
Hum ! Vous avez dit « Bizarre », tiens c’est bizarre…
Peut-être que sur cette période, la toxicité de la statine fut telle que l’addition de l’ézétimibe n’y changea rien ?
Hum !
Au vu du reste, je crois urgent d’avoir un accès libre aux données brutes de cet essai !
Pas d’illusion à se faire, c’est un secret industriel !