LE MYSTERE "GLUTEN"

De plus en plus de consommateurs recherchent et consomment des aliments « sans gluten » …
Bizarre ?
Des prestigieux champions de tennis, des artistes et autres sommités médiatiques attribuent leur succès au régime sans gluten qu’ils se sont imposé.
Mystère ?
Tous se pensent atteints d’une sorte de maladie appelée « intolérance au gluten » !
D’autres évoquent une hypersensibilité au gluten.
Pour les docteurs ordinaires (dont je fais partie), la question du gluten est pourtant, et d’abord, celle d’une maladie infantile [la maladie cœliaque] caractérisée par une diarrhée chronique qui entraîne des formes variées de malnutrition due à l’élimination dans les selles (ou la non-absorption) de nutriments indispensables à la croissance et au développement des enfants.
La maladie cœliaque est désormais assez bien comprise : certains d’entre nous ont une prédisposition génétique à déclencher une réaction auto-immunitaire (notre système immunitaire s’attaque à nos propres cellules plutôt qu’à des « corps étrangers » hostiles) en réponse à la consommation d’une substance appelée « gluten ».
C’est quoi le gluten ?

C’est un ensemble protéique complexe essentiellement présent dans certaines céréales, le blé, l’orge et le seigle.
Les deux principales protéines sont la gliadine et la gluténine. Cette dernière est responsable de la structure du pain quand la pâte lève sous l’effet de la fermentation. Pas de beau pain sans gluténine.
La gliadine est responsable de la maladie cœliaque : c’est elle qui chez les sujets prédisposés provoque la production d’anticorps (les soldats du système immunitaire) anti-gliadine mais aussi d’anticorps dirigés contres d’autres cibles, des protéines ou des enzymes « normaux » de nos organes, notamment du tube digestif, qui sont donc attaqués par ces auto-anticorps.
En conséquence, pour faire simple, certaines parties du tube digestif sont détériorées, d’où la diarrhée chronique ! Chez les sujets atteints de maladie cœliaque, une biopsie du tube digestif permet le diagnostic, qui avait déjà été fortement suspecté, en principe, par l’identification des auto-anticorps dans le sang.
Malheureusement, les auto-anticorps attaquent d’autres cibles que la muqueuse de l’intestin grêle et les sujets atteints de maladie cœliaque ont parfois beaucoup d’autres symptômes que la diarrhée chronique.

Certains ont des douleurs à l’estomac, d’autres des douleurs articulaires, d’autres des signes neurologiques divers, il n’y a pas de limite précise à ces symptômes à part qu’ils disparaissent presque miraculeusement le jour où on adopte un régime sans gluten strict.
Pourquoi ai-je parlé de « mystère » à propos du gluten ?
Parce que la maladie cœliaque a longtemps été considérée comme une maladie rare.
Or, les dernières statistiques nous disent qu’environ 1 personne sur 100 pourraient en souffrir, ce qui est considérable !
Question : pourquoi y a t-il plus de sujets atteints maladie cœliaque depuis 2 ou 3 décennies ? Puisqu’il s’agit d’une maladie génétique, la cause de la maladie (nos gènes) n’ont pas pu changer en moins d’une génération. Qu’est-ce qui a pu changer ?
L’autre partie du mystère, comme indiqué au début de l’article, c’est que de plus en plus de gens prétendent qu’en adoptant un régime sans gluten, leurs symptômes variés (digestifs et articulaires notamment) et leur « mal-être général » se trouvent améliorés alors que leurs médecins leur ont affirmé qu’ils n’avaient pas de maladie cœliaque, c’est-à-dire qu’ils ne réunissaient pas les critères du diagnostic : une biopsie positive et des auto-anticorps.
Cette mode du « non-gluten » est devenue très préoccupante [un marché faramineux des aliments sans gluten est né] et a donné lieu à des controverses et empoignades entre spécialistes avec d’un côté ceux qui refusaient de considérer autre chose que la vraie maladie cœliaque (les autres pseudo-cœliaques étaient des psycho-somatiques à adresser aux psychiatres) et de l’autre côté ceux qui proposaient de décrire une nouvelle maladie qu’ils ont finalement appelée l’intolérance au gluten, sous-entendu non-cœliaque.
Peut-on être relativement intolérant au gluten, avec des symptômes variés, sans être un vrai cœliaque ?

Si on répond positivement, on doit admettre que cette symptomatologie est nouvelle, et il faut y trouver une explication …
C’est là que ça se complique, et à nouveau les experts se disputent : les campagnes de vaccination massive des enfants des années 1950-1960s ont fait des adultes à système immunitaire perturbé ; les pesticides de l’agriculture moderne ?
Plutôt sans doute les nouvelles races de blé (triticum aestivum, celui utilisé pour faire le pain) dont on a manipulé le génome pour les rendre toujours plus productifs sans jamais se poser la question de leur « sécurité alimentaire » !
Autrement dit on exige aujourd’hui des tests de sécurité sanitaire pour mettre sur le marché des OGM dans lesquels on a introduit UN gène !
Mais pendant 5 ou 6 décennies, par des techniques d’hybridation sophistiquées, on a construit de nouveaux blés possédant des centaines de gènes nouveaux sans qu’on se soit posé la question de leur sécurité …
Est-ce que le gluten de ces nouveaux blés est différent de celui des anciens blés ?
Réponse  : oui !
Est-ce que les nouveaux glutens sont moins bien tolérés et donc stimulent notre système immunitaire de telle sorte que chez certains d’entre nous (avec une fréquence de plus en plus élevée de cœliaques) on voit apparaître de nouvelles maladies ?
Mystère !
Mais en attendant, nous voyons de plus en plus de personnes qui se disent améliorées par des régimes sans gluten plus ou moins stricts !
La suite au prochain numéro. Tous les commentaires sont bienvenus !