LE RAPPORT DE L'INCA SUR ALCOOL (ET VIN) ET CANCERS : COMMENTAIRES !

L’Institut National du Cancer (INCA) fait part de ses profondes réflexions sur « Nutrition et cancers ».

Cet Institut récemment créé (Par le Président Chirac en fin de second mandat et 40 ans au moins après la création de ses homologues américains et anglais) a l’obligation de montrer (au public et aux politiciens qui lui votent ses crédits) qu’il sert à quelque chose, socialement parlant.
Ne soyons pas méchants et n’attendons pas des miracles trop tôt : un si jeune Institut ne peut pas (et ne pourra pas à brève échéance) produire des choses bien formidables médicalement et scientifiquement. Il faut du temps pour créer des équipes compétentes et efficaces, monter et réaliser des programmes innovateurs.

Plutôt que de discuter longuement sur la validité des analyses de l’INCA, regardons déjà la méthode utilisée, elle dit beaucoup !
Faire une rapide (et très superficielle) revue de la littérature internationale, sélectionner quelques médiocres (préférentiellement méta-)analyses correspondant à l’idéologie incantatoire que l’on veut transmettre aux médias de la société spectaculaire et marchande avec la certitude d’avoir quelques relais aussi niais (et donc peu critiques) que soi sur le sujet, réunir quelques employés du même Institut qui s’ennuient un peu entre les repas, rédiger un rapport plutôt bref (l’époque veut qu’il faille être bref pour être lu) baptisé pompeusement expertise collective en ayant fait bien attention de ne demander aucun avis (éventuellement divergents) de vrais chercheurs ayant vraiment et depuis longtemps travaillé sur le sujet, et enfin convoquer les agences de presse et les représentants de quelques médias, pour délivrer deux ou trois messages simplistes qui seront repris et même amplifiés par ces mêmes médias dans l’espoir de faire parler même les muets !

Et voilà comment on peut lire qu’il faut « bannir tout alcool » de nos sociétés pour empêcher les cancers !

On est méchant ?

Pour avoir une autre idée de la qualité du travail produit, il suffit d’ouvrir le rapport de l’INCA (ce que peu de journalistes ont fait apparemment) et de chercher comment ont été traitées les questions relatives à :

1) alcool et espérance de vie, ce qui reste, même en cancérologie, la question la plus primordiale (on fait exprès d’insister).

2) alcool et maladies cardiovasculaires.

L’inexpérience (l’inculture ?) des rédacteurs du rapport de l’INCA sautent aux yeux de quiconque a un peu travaillé ces sujets !
Moins d’une page (et quelques mauvaises références) pour expédier la question de l’alcool et des maladies cardiovasculaires !

Et encore pire, pratiquement pas un mot (sensé) concernant « alcool et espérance de vie ».
On ne peut même pas critiquer ce qu’ils disent puisqu’ils ne disent rien !

Ces deux constatations devraient suffire à disqualifier les conclusions générales du rapport de l’INCA.

Pour revenir à la question des cancers et de leurs liens avec l’alcool, il faut rappeler que chaque cancer est une maladie particulière répondant à des causes et mécanismes différents. Aucun rapport entre un cancer du sein et un cancer du poumon, évidemment !
Il faut rappeler aussi que les cancers, à part quelques exceptions, sont des maladies du mode de vie (ou des conditions d’existence) et que les modes de vie, donc les causes des cancers évoluent avec le temps.
Faire des recommandations générales destinées aux populations des années 2010-2020 sur la base de médiocres observations (en particulier concernant la quantification de la consommation d’alcool) de populations exposées à des causes possibles (dans un environnement professionnel, sociétal et existentiel très particulier) des années 1950-1970 est évidemment aberrant.
Pour préciser les choses concernant les causes de cancers, il faut comprendre que les cancers enregistrés (diagnostiqués ou déclarés) à un moment donné sont le résultat d’une exposition à un risque qui a duré parfois plusieurs décennies.
Un cancer de la gorge enregistré en 1980 ou 1990 (les statistiques les plus récentes utilisées par les employés de l’INCA sont de cette époque) est le résultat d’une exposition de 20, 30 voire 40 années.
Les données observées sur les mineurs lorrains ou stéphanois ou les marins-pêcheurs bretons (grandes victimes de certains cancers environnementaux et professionnels) en 1970 ou 1980 ne doivent pas être rejetées évidemment (ce n’est quand même pas de l’archéologie) mais l’extrapolation (et même la généralisation) à des populations contemporaines dont les modes de vie, de travailler et de se nourrir (par exemple) sont totalement différents est extrêmement hasardeuse. Surtout si les données proviennent d’études dont on connaît les terribles défauts, par exemple des études cas-témoins, quasi rédhibitoires !

Modestie et prudence devraient caractériser le démarche de scientifiques qui utilisent des méthodes d’investigation aussi fragiles !

Le moins que l’on puisse dire c’est que les employés de l’INCA manquent un peu des deux.

Ils n’ont réellement détaillé que 4 types de cancers (c’est un peu court pour des conclusions générales), et seulement un type de cancers (ceux des voies aéro-digestives supérieures) fait l’objet d’une conclusion forte de leur part, c’est-à-dire dont l’évidence est difficilement contestable.
Nous ajouterons que cette forte conclusion ne peut s’appliquer, sans réticence, qu’aux sujets ayant une forte (voire très forte) consommation d’alcool, et donc que l’extrapolation aux petits et moyens buveurs est dangereuse, surtout si ils sont sudistes (méditerranéens) et penchent pour la consommation de vin pendant les repas, et surtout en 2010.
Pour les 3 autres cancers analysés, les conclusions des auteurs sont beaucoup plus timides (à juste raison), ce qui fait qu’au total on ne peut pas comprendre comment ils peuvent arriver à leurs abruptes conclusions générales concernant le bannissement de tout alcool, et même le vin consommé de façon modérée.

D’autant plus qu’ils n’ont pas pris la peine, apparemment, d’analyser tous les autres cancers …
Si ils l’avaient fait (ou plutôt s’ils avaient fait autre chose que faire semblant, comme à propos des maladies cardiovasculaires), ils auraient constaté que le risque d’un certain nombre de cancers semble au contraire diminuer par la consommation modérée d’alcool, et notamment de vin.
Nous resterons, pour notre part, encore très prudents avec ces statistiques encourageantes (pour ceux quii aiment boire, car ce n’est pas un crime !) du fait de la faiblesse des techniques utilisées dans ces études aussi. On peut se demander finalement si l’impasse que les employés de l’INCA font sur tous ces autres cancers n’est pas volontaire afin de pouvoir délivrer un message homogène, au prix, hélas, d’une évidente désinformation.

Le peuple de France mérite mieux que ça, c’est évident.