Effet placebo et … Statines

Suite aux discussions générées sur ce Blog par l’article concernant les génériques et l’éventuelle diminution (avec les génériques) de l’éventuel effet placebo lié à la prescription d’un médicament conventionnel (supposé efficace ou non sur une base biologique indépendante de l’effet placebo), certains visiteurs du blog pourraient se demander ce qu’il en est d’un effet placebo lié à la prescription d’un médicament anticholestérol type statine.
Ça devient compliqué, je me sens « petit » mais j’espère clarifier cette question avec l’aide des visiteurs de ce blog … Allons-y courageusement, on rectifiera en cours de route si nécessaire.
Si l’effet placebo de la majorité des médicaments prescrits avec conviction – c’est un point crucial : pas de conviction, pas d’effet placebo – par le médecin est aussi puissant que certains le décrivent, alors la prescription d’une statine devrait obligatoirement entrainer des effets bénéfiques sur la simple base d’un effet placebo ; et indépendamment de tout effet lié à la diminution du cholestérol ou autre propriétés, réelles ou illusoires, des statines.
Il faut aussi admettre que la démonstration tangible de l’efficacité biologique (chute du cholestérol pouvant atteindre 50 à 70% chez certains patients) de la statine par une simple prise de sang (et l’inscription de cette baisse sur le papier à en-tête du biologiste) peut ajouter à l’effet placebo conventionnel de manière significative : « vous voyez comme je suis un bon docteur ! Je vous ai donné le bon médicament ! »
Il ne faut pas négliger enfin l’importance des effets indésirables [douleurs musculo-tendineuses, fatigue, troubles gastro-intestinaux, troubles de la mémoire, du sommeil, des yeux, etcétéra …] dans l’amplification de l’effet placebo. Un bon docteur pourra les utiliser pour confirmer l’efficacité cardioprotectrice : « certes, vous avez mal partout et vous ne dormez pas mais réjouissez-vous, ça veut dire que le médicament est vraiment très actif chez vous et protège vos artères … »
Des collègues m’ont confirmé utiliser cet argumentaire à profusion pour justifier leur prescription de statines malgré leur scepticisme quant à la culpabilité du cholestérol ; c’est de bonne guerre ! A la fin, ce que souhaite un médecin c’est faire du bien à ses patients, quel que soit le mécanisme à l’œuvre.
Il y a deux circonstances possibles où cette magistrale efficacité des statines sous forme d’effet placebo peut être vérifiée : soit les études d’observation (l’épidémiologie classique) où l’efficacité de la statine est analysée a posteriori par comparaison de patients ayant reçu une statine avec ceux n’ayant rien reçu (pas de placebo) ; soit les essais cliniques randomisés (tirage au sort) où via un protocole de double aveugle (placebo contre statine) on évalue les effets de la statine indépendamment de tout effet placebo, au moins  en théorie.
En toute logique, dans les études d’observation, l’effet placebo joue à plein (tel que décrit ci-dessus, et avec ses amplifications) et il ne devrait y avoir aucune ambiguïté : la statine DOIT absolument être efficace dans ce contexte, indépendamment de tout effet dû à la diminution du cholestérol, sous peine d’être accusée d’augmenter le risque de complication en abolissant les effets bénéfiques de l’effet placebo. Terrible dilemme !
C’est pour cette raison très scientifique que les études d’observation ne sont pas retenues par les Autorités (pourtant généralement très compliantes) comme argument scientifique suffisant pour commercialiser des médicaments.
Il est donc plus que curieux que des universitaires et autres pseudo-experts (y compris français) viennent encore régulièrement vanter les effets bénéfiques de statines sur la base de telles études très fragiles (euphémisme) …
Par exemple, récemment : http://heart.bmj.com.gate2.inist.fr/content/100/11/867.full.pdf+html
Tandis que d’autres élaborent de subtiles théories sur ces fragiles données.
Par exemple : http://heart.bmj.com.gate2.inist.fr/content/100/11/825.full.pdf+html
Fichtre ! Inculture, propagande ? Qui sait ?
Quant aux médias qui, à grands bruits, reprennent ces idioties … Tristesse et désolation !
Il n’en est pas de même évidemment des effets indésirables qui eux ne sont pas, a priori (et sauf si le médecin prescripteur joue super-habilement et cyniquement de son effet placebo personnel) diminués par l’effet placebo lié à la prescription.
On peut donc éventuellement bénéficier d’un effet placebo [probablement éphémère car les mécanismes puissants qui conduisent à l’infarctus ou à l’AVC sont toujours à l’œuvre et finiront par gagner] dû à la prescription de statine par un médecin convaincu et, en même temps, récolter tous les effets indésirables attendus, notamment les plus pernicieux car silencieux (diabète, cancers, déclin cognitif, pathologies oculaires …) dans la plus grande inconscience, au mépris des règles basiques de la médecine scientifique (et du code de déontologie) et pour un coût exorbitant pour l’Assurance-Maladie.
Et on échappera à tous les bénéfices gratuits que peut apporter l’adoption d’un mode de vie protecteur, longuement décrit dans nos livres.
Ce qui, toutefois, peut apparaitre particulièrement étrange est que certaines études d’observation ne retrouvent pas (ou vraiment très peu) d’effet protecteur des statines à court terme : comment, et par quoi, l’effet placebo attendu est-il aboli ? Toxicité ? Effet placebo trop faible ou trop transitoire ?
Mais les experts (sérieux) des statines ne s’appuient que sur les essais cliniques pour vanter les bénéfices indiscutables (selon eux) de la diminution du cholestérol (par les statines). En effet, les critiques ne peuvent pas évoquer un quelconque effet placebo dans les essais cliniques pour expliquer les bénéfices de la réduction du cholestérol.
Voire !
La majorité des essais cliniques sont rapidement (généralement après moins de 6 mois) désaveuglés par les investigateurs eux-mêmes [sous prétexte de vérifications variées, notamment la survenue d’effets indésirables sévères …] ou par les patients eux-mêmes (avec ou sans la complicité de leur médecin traitant) puisqu’il suffit d’une prise de sang et d’une mesure du cholestérol pour savoir si on reçoit la statine (et pas le placebo) ; sans parler des multiples effets indésirables qui eux-aussi dénoncent le médicament et … éventuellement réconfortent le patient : « ouf ! Je reçois le médicament protecteur et pas le placebo ! »
On peut s’attendre donc qu’une partie de l’efficacité proclamée des statines dans les premiers essais cliniques des années 1990s ait été due à un effet placebo non avoué. On pourrait alléguer sur cette base [si on est vraiment très naïf] que les industriels et les investigateurs de l’époque se sont trompés eux-mêmes et étaient, dans le fond, possiblement honnêtes … Ceux qui vivent les yeux ouverts [ou qui ont lu nos livres ou nos articles scientifique] savent que ce n’était pas le cas.
Question brûlante maintenant.
Comment expliquer, en présence d’un effet placebo probable et puissant chez un nombre probablement important de patients recevant la statine au cours des essais les plus récents (avec la conviction que les statines sont efficaces sur la base des essais précédents), que certains essais soient totalement (ou relativement) négatifs, par exemple tous les essais testant le Crestor* ?
Par quel phénomène inédit l’effet placebo est-il aboli dans presque tous les essais publiés depuis 2006-2007 ?