FAUT-IL TRAITER LES HYPERCHOLESTEROLEMIES FAMILIALES AVEC DES MEDICAMENTS ?

J’ai déjà parlé de cette question dans mes précédents livres à propos des hypercholestérolémies familiales (ou HF pour les experts) ; que je divisais en deux groupes : les bénignes et les malignes. J’encourage les visiteurs de ce Blog à relire attentivement ces chapitres.

Cette subdivision en HF bénignes et malignes m’avait été reprochée en 2007-2008 par quelques précaires spécialistes sous prétexte que j’étais le seul à la faire. Etant aujourd’hui en 2011 rejoint par quelques uns des plus grands experts des HF, c’est en toute sérénité que je vais en rajouter une petite couche, comme disent les peintres en bâtiment.



Des facteurs héréditaires (des caractéristiques génétiques) peuvent influencer les concentrations des lipoprotéines dans le sang.

Parfois, ces gènes ont muté – et les protéines pour lesquelles ils codent sont anormales – ce qui perturbe la physiologie des lipides, des lipoprotéines, et aussi du cholestérol. Les HF sont donc des maladies des protéines impliquées dans le métabolisme des lipoprotéines et le cholestérol n’est finalement qu’un acteur parmi d’autres, probablement passif, voire innocent !

Si des biologistes du siècle dernier en ont fait l’acteur principal, c’est pour des raisons idéologiques et commerciales, je ne reviens pas sur ces questions discutées dans mes livres.

Dans certains cas, les concentrations de lipoprotéines circulantes dans le sang sont très élevées et ces lipoprotéines infiltrent certains organes.

C’est rare mais ça arrive.
On peut ainsi trouver des dépôts lipoprotéiques et lipidiques sous la peau, dans les tendons, dans les yeux, dans le cerveau, sur les parois du cœur, et même sur la surface des grosses artères. Ces dépôts lipidiques contiennent du cholestérol certes, mais aussi toutes les autres substances transportées par les lipoprotéines.

Ces dépôts lipidiques assez extravagants n’ont rien à voir avec les lésions d’athérosclérose classique détectées chez la grande majorité de nos patients victimes d’infarctus ou d’AVC ischémique.

En général, c’est sur la base du niveau de cholestérol mesuré à distance des repas et de la notion que les niveaux de cholestérol sont assez systématiquement hauts dans la famille, que les médecins posent le diagnostic d’HF chez un individu.

C’est une définition insuffisante et les experts en HF n’en sont pas satisfaits.

Ils exigent de plus en plus souvent une analyse des gènes potentiellement impliqués de chaque individu suspect.

Je ne vais pas rentrer dans les détails de la problématique des HF – qui sont des maladies rares, voire très rares – mais les lecteurs ont compris qu’il y a selon les experts de la théorie du cholestérol un enchaînement inéluctable d’évènements torpides : altération génétique (transmissible de génération en génération) qui entraîne une augmentation du cholestérol qui entraîne l’infarctus ou l’AVC.

Il n’y a pourtant aucune démonstration scientifique claire et indiscutable de cette chaîne d’évènements …

Terrible à dire, mais c’est comme ça !

Il y a évidemment de nombreux types d’altérations génétiques – qui peuvent être isolées ou associées chez le même individu – et des réponses à ces altérations très variables en termes de cholestérol mesuré dans le sang et aussi de risque d’infarctus et d’AVC.

C’est là que ça devient intéressant pour les médecins et leurs patients.

Les bons experts en HF ont en effet élaboré une nomenclature des HF en fonction des altérations génétiques identifiées (on dit génotype) et des manifestations cliniques ou biologiques (on dit phénotype).

On peut avoir :

1) des HF sévères avec réunion de la triade : altérations génétiques multiples, très hauts niveaux de cholestérol et dépôts lipidiques massifs et disséminés, et parfois infarctus ou AVC,

2) des HF modérées avec des altérations génétiques mais une augmentation modérée du cholestérol et des risques d’infarctus ou d’AVC modérés et sans dépôts lipidiques extravagants,

3) et enfin des HF paradoxales (selon les experts) avec des altérations génétiques et des concentrations très élevées de cholestérol mais sans dépôts lipidiques et sans élévation du risque d’infarctus ou d’AVC,

4) et encore d’autres HF paradoxales avec des altérations génétiques mais un cholestérol normal et quand même des dépôts lipidiques importants et un risque élevé d’infarctus ou d’AVC.

On peut aussi avoir des niveaux de cholestérol très élevés sans qu’une altération génétique précise ait été identifiée et sans augmentation du risque d’infarctus ; et quelques autres cas de figure que je ne vais pas détailler ici.

Les lecteurs attentifs ont déjà compris : aucune relation de causalité ne peut être établie avec certitude chez les patients avec HF entre l’altération génétique et le risque d’infarctus ; ou entre le niveau de cholestérol et le risque d’infarctus et d’AVC.

Pour expliquer qu’une HF soit maligne plutôt que bénigne (comme je l’ai expliqué dans mes livres précédents), il faut autre chose qu’un cholestérol élevé.

Et ce sont ces autres choses que j’expliquerai dans mon prochain livre. A paraître en octobre 2011, j’espère.

Seuls quelques cas – rarissimes par rapport aux millions de gens qui en France souffrent de maladies cardiovasculaire – peuvent bénéficier de traitements anti-cholestérol spécialisés, type plasmaphérèse.

Mais dans la majorité des HF modérées, les médicaments anti-cholestérol ne servent probablement à rien puisqu’il n’est pas établi que le cholestérol  de ces personnes soit menaçant.

La seule étude avec tirage au sort – donc techniquement correcte – qui ait testé l’hypothèse que les patients avec HF pourraient bénéficier d’une diminution du cholestérol (c’est l’essai ENHANCE pour les connaisseurs) avec des médicaments a échoué.

Jusqu’à preuve du contraire, diminuer le cholestérol chez des individus avec HF ne sert à rien !