Le retour des oméga-3 (saison 2)

La crise interminable de l’industrie des médicaments ne peut être totalement compensée par l’industrie des vaccins et autres produits immunitaires, notamment les anticorps monoclonaux.

Certains industriels sont ainsi revenus aux oméga-3 et aux capsules d’huile de poisson en cherchant désespérément un créneau clinique.

Le choix s’est parfois porté sur les patients qui avaient un cholestérol normal ou bas (avec ou sans médicament anticholestérol) et qui présentaient une hypertriglycéridémie.

Leur raisonnement, emprunté aux académiciens (notamment parisiens mais pas seulement) était simple : malgré un cholestérol bas, voire très bas, leurs patients font des infarctus ou des récidives d’infarctus.

Plutôt que de remettre en question leur stratégie anticholestérol [ce qui reviendrait à admettre que définitivement la terre est ovale], il désigne ce risque persistant de « risque résiduel sous statine ».

Il n’y a aucune base scientifique sérieuse à ce curieux concept qui requiert, pour être formulé avec quelque décence, un certain nombre de préjugés.

Peu importe, il faut quand même essayer de qualifier ce supposé « risque résiduel » et trouver un paramètre qui puisse être modifié par les capsules d’oméga-3 si on veut les réhabiliter pour en faire un business.

Bien que nous sachions depuis longtemps que le niveau de triglycérides dans le sang n’est pas une cause d’infarctus ou d’AVC (et même pas un indicateur de risque), il a donc fallu aussi réhabiliter ce paramètre « triglycérides » qui fut pourtant, tout occupés qu’ils étaient par le cholestérol, négligés par les académicien d’ici ou d’ailleurs pendant des décennies.

Démonstration, si besoin, que ce qui prime pour ces académiciens peu qualifiés et ces businessmen très pressés, ce n’est ni la science, ni la médecine, ni l’intérêt des patients, mais ce sont les opportunités commerciales.

Je donne une référence récente comme pièce à conviction [European Heart Journal 2020;41:99–109] dont je copie le titre et le résumé.

Sans être trop cruel, on mesure dans ce résumé le niveau scientifique des auteurs. Je laisse à chacun le soin d’apprécier et d’aller lire (ou pas) le pensum dans son entièreté.

L’amusant dans cette affaire c’est que les nouveaux investigateurs de ces nouvelles capsules d’oméga-3 [« nouvelles » parce que fabriquées selon un procédé supposé innovant et donc « breveté » ; ne jamais oublier l’objectif ultime de toute manœuvre commerciale] ont une culture des triglycérides assez limitées.

Par exemple, n’ayez jamais l’outrecuidance de poser la question : que mesure-t-on quand on mesure les triglycérides ?
J’ai constaté, incrédule, que la majorité des médecins, notamment les académiciens parisiens, ignoraient que le paramètre « triglycérides » ne mesure que la concentration de glycérol ; et pas celles des acides gras. Ce sont eux qui seraient pourtant qu’il faudrait mesurer, si les acides gras associés au glycérol [ce dernier étant lui-même innocent !] étaient coupables de quelque chose.

Peu importe, plusieurs industriels (et pas des moindres) et leurs complices académiciens se sont jetés dans la bagarre. Je ne vais pas tous les citer, ce serait lassant et laisserait de côté ceux qui ont abandonné en cours de route.

Je retiens ici une seule étude et, par souci d’objectivité, une étude positive, c’est-à-dire rapportant des bénéfices des oméga-3 [l’étude REDUCE-IT]. Je ne veux pas être accusé d’un biais de sélection. En effet, ayant fait émerger avec d’autres l’importance des oméga-3 pour la santé, je devrais me réjouir que la fine fleur de l’académie vienne me féliciter en confirmant mes anciennes données et vieux exploits.

« Icosapent Ethyl » est le nom donné à ces capsules d’oméga-3. Un oméga-3 spécifique [le 20:5(n-3) ou EPA ou acide eicosapentanoïque en bon français] a été décroché du glycérol et raccroché à une molécule d’alcool donnant une solution très concentrée d’éthyl ester d’EPA. J’espère être compris.

Je ne vais pas rentrer dans les détails de cet essai clinique où le prestigieux professeur parisien G. Steg [expert international révéré en nutrition et en lipides marins] et ses collègues nous annoncent triomphants que les capsules d’Oméga-3 de l’industriel AMARIN Pharma sont bonnes pour la santé.

En deux mots quand même, cet essai clinique est absolument formidable : ils obtiennent une diminution significative de toutes les complications cardiovasculaires, y compris la fréquence des décès cardiaques.

Plus rien selon ces auteurs ne doit freiner notre envie de prescrire les capsules AMARIN.

Pourtant, ce qui devrait me réjouir me laisse perplexe. Pour plusieurs raisons.

La première, anecdotique en apparence mais révélatrice en fait, il n’y a pas d’effet bénéfique sur la mortalité totale. Ils n’ont pas osé aller jusque là ; ou n’ont pas su le faire ; peu importe !

La deuxième raison est dans la méthodologie : pourquoi les investigateurs d’aujourd’hui ne respectent plus les règles basiques de l’essai clinique, conditions pourtant essentielles de leur crédibilité ?

Je suis stupéfait de cette régression et du laxisme des experts et des éditeurs des journaux médicaux des temps modernes.

De quoi je parle ? Je recopie un fragment des méthodes décrites dans l’article.

Je traduis (en toute liberté) : cet essai clinique a été totalement conduit (protocole, collecte des données et analyses statistiques) par des employés du sponsor ; même si les auteurs de l’article (ci-dessus) sont présentés comme les investigateurs : qu’ont-ils vraiment fait en dehors de toucher leurs honoraires ?

Oserais-je le dire ? Tout ce bel édifice est parterre.

REDUCE IT : crédibilité zéro !

On est donc revenu aux temps misérables des années 1990 quand on nous a fait croire que les statines étaient des médicaments miraculeux.

A la la lumière de REDUCE IT, on constate que les niveaux de négligence et malversations dans les sciences médicales sont à leurs plus hauts sommets depuis 30 ans.

Suis-je un paranoïaque comme on se plaît à le dire dans les salons parisiens ?

Peut-être, mais je ne suis pas seul sur ce tremplin de cascadeur. Comme indiqué furtivement (surtout ne pas répéter, ça pourrait faire de la peine à ceux qui croient aux miracles !] ce discret article du 15 janvier 2020 dans un média très pro-industriel, d’autres capsules d’oméga-3 n’ont montré aucun bénéfice et ont été abandonnées par leurs promoteurs.

Interprétation ?

Je laisse à chacun le soin d’analyser l’ensemble du tableau. Pour ma part, je me contenterais d’être factuel.

1) La population sélectionnée dans REDUCE IT pour tester les oméga-3 n’est pas adéquate ;
2) La méthodologie dans REDUCE IT n’est pas adéquate ;
3) Les résultats de REDUCE IT ne sont pas confirmés dans des essais conduits (ou pas) par des investigateurs indépendants du sponsor !

On fait quoi avec ça ?