L’arrêt d’un traitement par statine est-il à l’origine de complications ? Visite dans une petite entreprise gouvernementale de fabrication de « fake news » médicales…

La consommation de médicaments anticholestérol classiques (type statines) diminue et les prescriptions des nouveaux anticholestérol injectables (les anti-PCSK9) ne décollent pas.
Les théories accusant le cholestérol d’être responsable des infarctus et des AVC sont de plus en plus souvent remises en question.

Tout cela est très ennuyeux : pour le business et les industriels évidemment mais aussi pour ceux qui ont fait carrière grâce au cholestérol ; et enfin aussi pour tous ceux qui ont méticuleusement prescrits ces médicaments [à des personnes qui n’en n’avaient pas besoin et qui ont souffert (parfois sévèrement) de leurs effets adverses] et qui a posteriori ne peuvent prendre le risque de s’en excuser…

Il est donc urgent de produire des documents qui puissent relancer les affaires. Il est préférable que ces documents aient une apparence scientifique et qu’ils fassent penser qu’ils sont produits indépendamment de tout lien d’intérêt commercial.

De mon côté [comme ferait tout scientifique sérieux et amoureux de la flore et de la faune de sa région préférée], il n’est pas inintéressant d’observer comment procèdent ces étranges créatures, produits d’un processus de sélection que même Darwin aurait admiré. Ce sont des « petites entreprises » très ingénieuses, des start-up (comme on dit aujourd’hui) de l’infox organisée.

Examinons par exemple le travail récemment publié par une « prestigieuse » équipe française dans un journal international de cardiologie de référence qui, comme tel, dépend pour survivre des subsides versés (de façons variées) par les industries des produits de santé dont il fait la promotion.

L’examen attentif de la liste des auteurs et de leurs institutions respectives explique le titre de mon article : 3 des 4 auteurs sont des fonctionnaires (ou assimilés) de l’état (CNAM et APHP) et leur travail est donc, peut-on dire, d’origine gouvernementale. S’agit-il de « fake news » officielles ?

Ces 4 auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt ; ce qui est comique (d’une certaine façon) puisque le premier auteur (le Dr Philippe Giral) travaille dans une unité de soin (à la Pitié-Salpêtrière à Paris) associée à un laboratoire de recherche sur les lipides dont les hiérarchies [Les professeurs Eric Bruckert et John Chapman, par exemple] entretiennent des liens étroits avec les industries commercialisant des médicaments anticholestérol. C’est facile à vérifier et je me permets de les féliciter chaudement.

On peut penser (sans cynisme aucun) que si les deux professeurs ne cosignent pas cette fulgurante étude, c’est pour ne pas donner l’impression qu’elle aurait été commanditée. Il est d’ailleurs fort possible que les industriels n’aient pas eu besoin de « commanditer » car tout ce petit monde est capable de devancer les souhaits de leurs sponsors dans l’espoir de belles récompenses. Je me permets de les féliciter chaudement.

Cela dit, il n’est pas interdit de faire un travail intéressant, voire utile, quand on est lié à des intérêts commerciaux. Dit autrement, il n’y a pas totale incompatibilité entre conflits d’intérêt et recherche médicale utile.
Mais il faut être prudent et examiner ce type d’analyses avec circonspection. Ce que j’ai voulu faire.

Hélas, il ne m’a pas fallu longtemps pour me rendre à l’évidence : ce travail est sans intérêt (sinon commercial) et si les éditeurs du journal n’étaient pas avides de travaux et analyses susceptibles de plaire à leurs sponsors, ils n’auraient pas publié cet article qui n’apportent strictement rien, sinon de la confusion ; ce « rien » étant immédiatement exploité par des médias connivents qui ne savent plus comment « alimenter » leurs propres liens d’intérêt avec les industries du cholestérol ; avec la perspective de quelques récompenses.

Je ne vais pas faire une critique fouillée de ce travail qui me fait un peu honte, je l’avoue.

Je vais en dire quelques mots quand même, sachant que l’objectif (mal défini) de nos athlètes est de démontrer qu’au-delà de 75 ans, il faut prendre une statine même si on ne souffre pas de maladies cardiovasculaires et même si, ai-je compris, on n’a pas de facteur de risque. Dit autrement, on revient à la grande idée que « plus le cholestérol est bas et mieux c’est »

Nos auteurs utilisent la base de données de la Sécurité Sociale, probablement avec la permission de la Direction, mais je ne sais pas si les personnes concernées ont été informées qu’on utilisait leurs données de santé pour faire peut-être (ce n’est pas sûr) une sorte de promotion commerciale.

La façon de procéder est incroyablement naïve puisqu’ils analysent (a posteriori) les dossiers de personnes (sans maladie cardiovasculaire) qui ont eu 75 ans entre 2012 et 2014 et qui consommaient une statine (probabilité supérieure à 80%) dans les deux ans qui précédaient leur anniversaire. On considérait qu’ils avaient stoppé leurs statine si pendant 3 mois consécutivement, on ne leur avait pas remboursé une boite de statines. Le critère de jugement était la notion d’une hospitalisation pour une complication cardiovasculaire. C’est important : ils n’utilisent pas la complication supposée elle-même (infarctus, AVC, décès ou autre) mais seulement la notion d’hospitalisation ; même si [mais là ça devient compliqué pour un cerveau d’athlète] cette hospitalisation n’avait donné aucun diagnostic précis.
Cette éventualité n’est pas rare puisque l’hospitalisation (on ignore le caractère urgent ou pas dans l’étude) est décidée par un médecin inquiet pour son patient (rien à dire à ce propos), sachant toutefois que si ce médecin a été prescripteur de statine en prévention primaire, c’est qu’il croit fermement à l’efficacité protectrice de ce médicament. Et ici survient le biais manifeste de cette étude et que nos athlètes n’ont pas envisagé : plus le médecin est persuadé de l’efficacité de la statine, plus il sera inquiet si son patient arrête le médicament et plus il aura tendance au moindre symptôme à faire hospitaliser son patient, ne serait-ce que par précaution.

Comme il s’agit d’une étude comparative (ceux qui stoppent leur statine par rapport à ceux qui continuent) et que les nombres d’hospitalisation sont très petits parmi les stoppeurs, on comprend que ce biais est rédhibitoire.

Pour ceux qui aiment les chiffres : il y eut en moyenne moins de 50 hospitalisations pour des échantillons d’environ 3000 à 5000 stoppeurs pour des périodes de quelques mois contre environ 200 à 900 hospitalisations parmi les « continuateurs » – pour les mêmes périodes – pour des échantillons tournant entre 50,000 et 100,000 ; voir la Figure 3 de l’article si on souhaite de chiffres très précis.

Ce biais aurait dû conduire nos athlètes à cesser le travail car leurs analyses ne pouvaient pas être « redressées » par diverses techniques statistiques pour les rendre crédibles.
D’autant plus qu’il y a pire dans cette étude.
Ce pire se résume en une seule question : pourquoi les stoppeurs ont-ils stoppé ? C’est évidemment un autre point crucial et n’importe quel médecin de terrain (nos athlètes sont des sympathiques bureaucrates et pas des médecins qui suivent attentivement leurs patientèles) pourrait énumérer une multitude de circonstances. J’en donne une seule : « si on m’a prescrit une statine pour me protéger (avec la contrainte de supporter les effets adverses), le jour où j’ai le moindre symptôme me faisant constater que je n’ai pas été protégé (et que j’ai enduré les effets adverses pour rien), je stoppe ce traitement ! »

Évidemment ! Je ne prétends pas que tous les stoppeurs sont de cet acabit ; mais il y en a et, vue la petitesse des nombres de stoppeurs avec hospitalisation, c’est suffisant pour créer un 2ème biais rédhibitoire.
Ça ne veut pas dire que tous les symptômes étaient d’origine cardiovasculaire, mais avec une certaine latence (ou simplement un délai d’attente pour une hospitalisation non urgente), le médecin inquiet (autant à cause des symptômes qu’à cause de l’arrêt de la statine) va programmer une hospitalisation, ne serait-ce que de précaution ! Ainsi fonctionne désormais notre système de santé : on se couvre : statine par précaution, hospitalisation et investigation par précaution…

Je pourrais citer et détailler d’autres circonstances pouvant créer des biais mais je préfère aller à la conclusion : pour évaluer l’utilité d’un produit de santé, il n’y a qu’une seule technique acceptable, c’est l’essai clinique prospectif avec tirage au sort, comparaison avec un placebo et double aveugle.

L’étude du Dr Giral, célébrée par quelques médias totalement incompétents, ne sert à rien sinon à créer de la confusion tout en essayant de faire croire aux médecins et aux familles que les statines sont utiles en prévention primaire après 75 ans. C’est très vilain, voire honteux si c’est fait exprès ; ce qui n’est pas sûr !

La deuxième conclusion est non moins évidente : de nos jours, les « fake news » médicales sont produites par des institutions « officielles » ou étatiques qui autrefois étaient au-dessus de tout soupçon. Nous observons le même type de dérives à propos des vaccins ; mais c’est un autre sujet…

Tout ça va mal finir ! Inéluctablement mal finir…