Que signifie la notion de « conflit d’intérêt » ?

Beaucoup, notamment dans les médias et les académies, soulèvent souvent la question des « liens d’intérêt« , possiblement conflictuels, mais l’expérience montre que bien peu savent de quoi il s’agit.

Je vais essayer d’être simple et concis ; car un philosophe (surtout dans la catégories des moralistes et autres stoïciens) ou un juriste pourrait écrire des volumes sur le sujet.

Bien sûr, je vais rester dans le domaine des sciences médicales ; ou plutôt dans le champ des pratiques médicales où les intervenants se pensent « scientifiques » ; ce qui est parfois comiques, mais ce n’est pas le sujet du jour.

Le commun pense généralement qu’un lien d’intérêt existe quand un médecin ou un scientifique reçoit des rémunérations (parfois déguisées) d’un industriel et qu’en échange, ce médecin ou ce scientifique prescrit et/ou fait la promotion (sous des formes variées) du produit de santé commercialisé par l’industriel.
C’est un exemple simple et il suffit en principe que ce lien d’intérêt [évidemment conflictuel puisque c’est comme si le médecin ou le scientifique recevait un % sur les ventes : il est « intéressé » au business de l’industriel et il y contribue] soit déclaré pour que chacun en tire les conséquences.
Les patients et les familles sont évidemment le plus souvent « bernés » puisqu’ils ne peuvent vérifier les liens d’intérêt cachés derrière chaque ordonnance.
Depuis des décennies, les médecins [qui souvent considèrent que le tarif des consultations n’est pas correct ; ce en quoi je suis d’accord : la coupe chez le coiffeur est mieux rémunérée] arrondissent ainsi leurs fins de mois, de façon très variée en fonction des médecins…

Du côté des scientifiques (et de ceux qui pensent l’être, notamment les hospitalo-universitaires), le processus est plus vicieux puisque, outre les rémunérations liées à des brevets et aux services rendus [participation à des essais cliniques, conférences, animation, article pseudo-scientifique] à titre personnel, ils contribuent à l’octroi de contrats de leur labo ou de leur unité de soin avec un ou plusieurs industriels.
En échange de quoi je teste le nouveau pace-maker de cet industriel ?
En échange de quoi, je teste une nouvelle prothèse de hanche sur mes patients ?
Il est bien rare que les patients impliqués sachent qu’ils servent un peu de cobaye…

A mon avis, ce type de procédés est discutable mais acceptable si on veut fluidifier le système d’innovation (dans la société spectaculaire et marchande dans laquelle nous vivons) et permettre quelques innovations technologiques. Le vice est ailleurs.
En effet, dès lors que pour assurer le travail proposé par l’industriel, on a accepté une rémunération non personnelle mais dédiée à l’achat de matériel ou aux salaires des techniciens ou ingénieurs (y compris les assistants de recherche clinique) qui font réellement le travail, on en est prisonnier.

C’est la même chose pour les contrats de recherche passés entre un industriel et des équipes de chercheurs INSERM ou CNRS. Le chef ou le patron doit, pour assurer l’avenir de son labo [c’est-à-dire sa propre carrière, son avancement, ses primes et salaires en hausse, ses ambitions, son prestige national et international (qui conditionne toutes sortes de petits et gros cadeaux…), bla bla…], il faut pérenniser les contrats, c’est-à-dire faire plaisir à l’industriel, ou au moins ne pas lui déplaire.
Car du côté de l’industriel, il y a une Loi d’airain : tout investissement dans un contrat exige un retour (sur investissement). Pour le financier qui dirige l’industriel : pas de retour (pas de profit) signifie arrêt du contrat !
Ce type de lien d’intérêt majeur ne figure pas (ou très peu) sur les déclarations des liens d’intérêt des individus qui ne disent que ce qu’ils reçoivent à titre personnel. Les plus malins ne reçoivent jamais rien à titre personnel : ils ont compris que leurs vrais rémunérations passent pas des canaux invisibles.

On peut ainsi rendre des services considérables à l’industrie des vaccins en étant le conjoint d’un(e) Ministre de la santé qui fait voter des lois très favorables au business des vaccins et en dirigeant soi-même des Instituts de recherche qui passent des contrats faramineux avec des industriels sous le label très comique de plate-formes public-privé de collaboration scientifique…
Seuls les imbéciles ou les complices (dans les médias) peuvent se laisser prendre.

Question : comment se débarrasser ce ces miasmes qui contaminent nos sociétés ?
Est-ce possible ?
Est-ce souhaitable ?
Nos sociétés contemporaines (et concurrentielles) dont l’équilibre repose sur la croissance et l’innovation technologique peuvent-elles s’en passer ?
Les Légions d’honneur octroyées à ces fonctionnaires et Ministres connivents dans la création de ces plate-formes public-privé sont-elles vraiment imméritées ?

On pourrait toutefois évoquer une autre forme de lien d’intérêt qui et encore plus vicieux que les précédents car il s’agit d’une internalisation personnelle du conflit, qui devient dès lors un conflit de conscience.
Ici le juriste et le philosophe ne peuvent rien. Les curés et autres confesseurs sur divan peut-être !
De quoi s’agit-il ?

Tout individu impliqué dans la recherche médicale ou les soins apportés aux patients pensent faire au mieux.
Mais, s’il a un minimum d’humilité et de prudence, il préfère s’entourer de précautions. Le meilleur moyen de parer à toute mauvaise éventualité c’est de « faire comme les autres » et de pratiquer de la façon la plus conventionnelle possible pour ne pas déroger aux règles (officielles ou officieuses) édictée par le pouvoir en place. J’espère être clair !

Un élément crucial doit être considéré ici : le pouvoir médical en place de nos jours est économique.

Ce n’est pas le Ministère de la Santé qui définit la politique vaccinale, contrairement aux apparences [c’est la Société du Spectacle dans toute sa splendeur], ce sont les industriels des vaccins !

Les véritables interlocuteurs des industriels (d’ici et d’ailleurs) ne sont pas les Ministres, contrairement aux apparences, mais justement les hospitalo-universitaires et les supposés scientifiques (qui peuplent les divers comités consultatifs après avoir été subtilement sélectionnés), les uns dans leurs unités de soin, les autres dans leurs labos.

Dit autrement, les industriels rémunèrent ces sommités intellectuelles (de façon plus ou moins évidentes : contrats de recherche, prix et récompenses, invitations variées…) de façon qu’ils participent au Spectacle de façon positive.
Parfois, pour les plus niais (et ils ne manquent pas), ils ne reçoivent rien sinon quelques invitations ou « reconnaissances » non monnayables : ce sont les dindons de la farce ! Ces niaiseux-là vont parfois jusqu’à se vanter de n’avoir rien touché…

J’abrège : toutes ces sommités hospitalo-universitaires et/ou scientifiques ont un cerveau et une conscience.
Peuvent-ils accepter, rémunérés ou pas, qu’ils puissent s’être trompés ou avoir été trompés ?

Ici se trouve le coeur du conflit d’intérêt à l’échelon individuel. C’est un dilemme personnel.

Tous les neurones de ces sympathiques personnes vont se mobiliser, en toute bonne conscience, pour se persuader qu’ils ont raison et qu’ils ont eu raison. Le raisonnement scientifique n’y peut plus rien, l’éthique et la morale non plus. Ces individus (bons pères ou bonnes mères, bons maris et bonnes épouses) ne peuvent accepter qu’ils aient empoisonné des patients (ou des bébés) qu’on leur avait confié…

Si un lecteur de ces lignes avait quelques doutes quand à mon fin raisonnement, je lui propose de se souvenir de la tragédie du sang contaminé par le VIH-sida : pratiquement tous les hématologues de France ont participé, activement ou passivement, à cet empoisonnement collectif invraisemblable ; mais pas un seul ne l’a admis ; pas un seul ne pouvait l’admettre… Sa conscience le lui interdisait ! La majorité ne sont plus là pour me contredire mais L’œil est dans la tombe dirait le grand Victor !

Je laisse à chacun le soin de tirer ses propres conclusions et je remercie pour les commentaires et addenda…