Inhibiteur de la pompe à protons (médicament antiacide) et santé cardiovasculaire

Nul ne saurait ignorer que nous avons de formidables médicaments dits « antiacides », appelés inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), prescrits larga manu par les médecins pour soulager des brûlures d’estomac dues aux ulcères, gastrites et autre reflux gastro-œsophagien (RGO).
Les IPP sont aussi appelés « prazol » du fait de leur commune appellation moléculaire : esoméprazole, lansoprazole, oméprazole, pantoprazole, etcétéra.

Qui s’en plaindrait ?

On a coutume de dire que les cardiologues, parce qu’ils prescrivent beaucoup l’aspirine (qui provoque des brûlures d’estomac chez beaucoup), favorisent le business des gastroentérologues qui, en principe, doivent poser un diagnostic avant de prescrire un IPP, et donc pratiquer une fibroscopie. Merci, chers collègues, je ne manquerai pas de vous renvoyer l’ascenceur…

J’ai expliqué dans des messages précédents que les cardiologues avaient pourtant d’autres médicaments antiplaquettaires que l’aspirine. Bon ! Ça devient compliqué ; et aussi pour les chirurgiens et les angiologues, sans parler des diabétologues…

Certains cardiologues, conscients des problèmes digestifs posés par l’aspirine, vont jusqu’à prescrire un IPP de façon systématique avec l’aspirine. C’est curieux ! Et dit courtoisement !

Récemment, des alertes ont été publiées concernant non pas l’aspirine, mais les IPP. Pour qui lutte contre les maladies cardiovasculaires, ces nouvelles données sont importantes. Et doivent susciter un changement des pratiques !

Nous savions depuis 2017 que les IPP favorisent les maladies hépatiques chroniques, qu’elles soient induites par une consommation excessive d’alcool ou pas [Nature Communications 2017;8:2137]. Certes, ce type de travail, qui mélange des données animales et humaines, doit être confirmé par des études cliniques plus larges.

Mais la démonstration que la suppression de la production d’acides par l’estomac puisse avoir des conséquences sur le microbiote intestinal est très importante pour des nutritionnistes car l’estomac et le microbiote travaillent ensemble pour assurer l’absorption d’une multitude de nutriments potentiellement impliqués dans les maladies cardiovasculaires.

Dit autrement, mieux vaut respecter la physiologie de l’estomac !

Une autre étude récente [Yuan J, et al. Gut Epub ; doi:10.1136/gutjnl-2020-322557 (Septembre 2020, ci-dessous)], nous apprend que les IPP augmentent de façon importante le risque de développer un diabète qui est, sans équivoque ni controverse, un facteur de risque majeur de pathologies cardiovasculaires.

Le risque de diabète dépend de la durée d’exposition à l’IPP.

Pour une durée de traitement de 2 ans, l’augmentation moyenne du risque de diabète approcherait les 30%.

Comme on pouvait s’y attendre avec ce qui précède, les IPP ont été associés à une augmentation du risque cardiovasculaire. Je cite une publication récente [Heart Lung Circ 2018 Apr;27:443-450 ; ci-dessous) parmi d’autres.

Ces auteurs portent leurs analyses sur des centaines de milliers de patients et concluent que les IPP augmentent le risque de complications cardiovasculaires d’environ 54% et de décès (de causes variées) de 68% sur des suivis assez courts (de 365 à 1100 jours d’exposition).

Ces données sont très inquiétantes et, curieusement, ne font l’objet d’aucune discussion sérieuse en milieu cardiologique.

Y a-t-il des pilotes dans les avions ?

Un médicament largement prescrit en prévention cardiovasculaire augmenterait le risque cardiovasculaire ; et ça ne bouge pas dans les académies ?

Il est vrai, certes, que chaque cas clinique est différent et qu’il faut parfois « jongler » avec des paramètres multiples.

Ce n’est pas une raison pour laisser « couler les choses » : on se réveille toujours trop tard !

Qui a dit que « la médecine est un ART » ?

Il faut savoir marier Science et ART ! Quel beau métier !

Cela dit, je conclus bravement : Urgent de revoir les pratiques !