Science du confinement ou confinement de la science ?

Une grande penseuse d’aujourd’hui (Pr Anne-Marie Moulin, CNRS) rappelait au début de l’année 2020 que « les réactions irrationnelles sont le lot de toutes les épidémies« .

C’était avant que nous soyons confinés les uns dans des lugubres HLM, les autres dans de confortables appartements des beaux quartiers ou des coquets pavillons de banlieue.

C’était avant qu’on nous dise un jour d’aller voter et le lendemain de se calfeutrer…

C’était avant qu’on nous dise qu’il n’y avait pas d’autre remède ou d’autre solution puisqu’il n’ y avait pas de masque, pas de gant, pas de solution alcoolisée, pas de test diagnostic, pas de médicament et pas de vaccin !

Et surtout, on nous fait savoir qu’il n’y aura pas assez de lits de soins intensifs, pas assez de respirateurs et que les hôpitaux ne sont pas prêts à recevoir un afflux de patients dans le besoin de réanimation (et d’oxygénation) pour survivre

Et puisqu’on a rien d’autre, on exige de nous de ne plus bouger de chez nous !

Pour un scientifique travaillant dans le domaine de l’épidémiologie des maladies contagieuses, la première question qui se pose est de savoir si le confinement est réellement utile pour contrôler (empêcher) une épidémie. Dit autrement, avons-nous des données solides permettant de légitimer le confinement ?

Au point où j’en suis du raisonnement, les lecteurs auront remarqué que je ne prétends pas savoir mieux que quiconque ce qu’il faut faire ou ce qu’il aurait fallu faire.
Me voici donc, c’est mon métier, à la recherche de données scientifiques me permettant d’envisager l’intérêt du confinement pour endiguer une épidémie.
Je ne vais pas faire attendre mes lecteurs plus longtemps : je n’ai pas trouvé de données scientifiques solides et récentes !

Quelques argumentaires toutefois.

Par exemple, je connaissais les moyens utilisés pour vaincre la variole (une maladie bien pire apparemment que le COVID 19) mais ça ne s’applique pas à la situation présente pour une raison simple (que j’ai discutée dans le Livre 1 de la Collection « Vaccins et Sociétés ») : il n’y a pas porteur sain du virus de la variole, contrairement au COVI 19 où beaucoup de porteurs, peut-être la majorité, n’ont pas de symptômes. En conséquence, avec la variole, il suffisait d’isoler les malades et leurs proches en incubation possible et attendre : le virus mourraient avec les morts et les survivants tuaient le virus.

J’ai trouvé des recommandations générales pour contrôler une épidémie de grippe saisonnière ; mais ça ne s’applique pas à la situation explosive créée par COVID 19.

J’ai trouvé une description des méthodes utilisées pour contrôler les flambées d’Ebola en Afrique ; mais le contexte (sans entrer dans les détails) est plutôt celui de la variole : apparemment seuls les patients symptomatiques sont contagieux. Il faut donc leur imposer, ainsi qu’à leurs proches contacts en incubation potentielle, une quarantaine stricte et attendre que la maladie fasse son œuvre.

Je résume : dans tous les cas, et notamment avec COVI 19, il est impératif d’identifier précocement les porteurs (symptomatiques ou pas) grâce à des tests sensibles et spécifiques, puis imposer des quarantaines ciblées.

Mais les autorités sanitaires, arrogantes et laxistes, ne firent rien puis s’affolèrent et faute de mieux imposèrent le confinement généralisé.

C’est peut-être la seule solution après la phase d’atermoiement initial. A l’exception de quelques pays asiatiques (Corée du Sud, Singapour) et quelques autre (par exemple l’Allemagne en Europe), tous les grands pays développés suivent un chemin comparable : attentisme puis autoritarisme !

Avec une grande victime : la science médicale !

Plus les politiques s’y réfèrent maladroitement pour justifier leur autoritarisme et moins la science médicale parle intelligemment, et donc se fait réellement entendre… Il n’y a pas de science du confinement !

La suite est inéluctablement non scientifique [ce que j’appelle le confinement de la science] : comme dans toute épidémie inattendue, des héroïques docteurs vont proposer des médicaments miracles (type chloroquine) en l’absence de données scientifiques solides, d’autres des tisanes ou des potions non moins miraculeuses…
Je n’ai rien contre, faute de mieux, et on peut espérer qu’un puissant effet placebo (ou autre effet magique véhiculé par des grands savants) fasse des miracles ; et le moins de misère possible. Allons mettre des cierges !

Il y aura aussi les très prévisibles fabricants de vaccins qui voudront « être de la fête »…

L’autre suite sera aussi non scientifique mais très politique ; et les flingues sont chargés : c’est la recherche des responsabilités face à ces incuries multiples. Si j’avais été ministre, je ne serais pas à l’aise. Mais les députés qui votèrent tous les budgets de la Santé depuis 4 décennies devraient faire « tête basse » aussi…

Car le commun dénominateur de tous ces pays incapables de répondre à la crise, c’est leur politique sanitaire honteuse, et depuis longtemps dénoncée.
Je ne vais pas faire un exposé économique et administratif, seulement me contenter de citer un ouvrage de 2019 qui est en fait le prolongement d’un précédent ouvrage datant de 1981.

Le titre, comme les premières pages disent tout [« L’économie de la santé est une économie du rationnement »] et les auteurs, très conventionnels et courtois, académiciens potentiels, ne font que décrire un état de lieux.
C’est une bien belle description où il est expliqué que le marché de la santé « échappe aux lois du marché » et qu’en conséquence, elle doit être « régulée » c’est-à-dire « rationnée ».

Les auteurs, bien peu contestataires de l’existant, nous expliquent généreusement comment « penser et gérer les mécanismes de rationnement » dans une économie de santé inégalitaire et inflationniste !

Ah, le beau métier que docteur !

Et que les sciences médicales se taisent dans leur tanière et confinement.

c’est déjà bien trop qu’on ne cesse de s’y référer pour faire semblant de les respecter !