Faut-il traiter (avec des médicaments) l’hypertension artérielle des séniors ?

On peut se disputer pour savoir à partir de quel âge on est un sénior (ou une séniore) : à partir de 60 ans, tout le monde est à peu près d’accord.

Sachant que la pression artérielle augmente avec l’âge – et c’est physiologique, c’est-à-dire normal ; de même que le cholestérol augmente avec l’âge – on peut se demander jusqu’à quels chiffres une pression artérielle peut être considérée comme normale en fonction de l’âge.

Si vous vous promenez sur Internet, vous constaterez une gabegie d’idioties et de n’importe quoi…

L’idée de base qu’on a imprimé dans les neurones des médecins et de leurs patientèles est que plus basse est la pression est meilleur c’est !

Comme pour le cholestérol…

La 2ème idée est que le risque cardiovasculaire augmente de façon linéaire avec la pression artérielle.

C’est faux.

La relation entre la pression et le risque est une relation en J, comme pour (presque) tous les paramètres biologiques et physiologiques que mesure la médecine moderne.

Mais, bien sûr, on peut transformer une courbe en J en une droite !

Il suffit de tirer un trait qui enjambe les rondeurs de la courbe ; le test de corrélation linéaire vous dira que vous pouvez !

C’est ce que font tous les « artistes » (connivents du business pharmaceutique) qui veulent faire prescrire des médicaments selon le principe « plus c’est bas et mieux c’est » !

Il suffit de disséquer un peu la littérature médicale pour se rendre compte de ces étranges phénomènes de désinformation. Inutile d’aller visiter les réseaux sociaux supposés complotistes…

Attention, si vous contestez cette médecine « conventionnelle », vous risquez de voir le subtile « Conspiracy Watch » – subtile parce que c’est un site français qui se pense prestigieux si son intitulé est en anglais – enquêter sur votre cas : ne seriez-vous pas antisémite en plus ?

Bref, faut-il traiter la pression artérielle des séniors ? Pour qu’elle soit la plus basse possible ?

Réponse : surtout pas !

Pourquoi suis-je affirmatif ?

Parce qu’une étude relativement récente – après beaucoup d’autres – met clairement les choses au point.

C’est publié dans un très bon journal : Age and Ageing 2020;49:807

Les auteurs – essentiellement des américains très conventionnels – vont à l’encontre des idées répandues dans la corporation médicale et donnent des conclusions prudentes. On les comprend : s’ils n’étaient pas prudents – leurs analyses ne seraient pas publiées.

Seulement voilà, les chiffres et les graphiques parlent d’eux-mêmes ; nous n’avons pas besoin des commentaires des auteurs.

C’est une belle étude : l’échantillon (le nombre de personnes étudiées) est exceptionnel : 415,980 personnes d’au moins 75 ans, stratifiées en fonction de leur fragilité (frail older adults) ; ce qui encore plus intéressant.

Le suivi est d’environ 10 ans et le principal objet de l’étude est l’espérance de vie ou la mortalité quelle que soit la cause (« all-cause mortality« ) qui est dans toute étude épidémiologique observationnelle le plus fiable paramètre.

Plus que de beaux discours, examinons les graphiques, ils parlent d’eux-mêmes.

Les investigateurs étudient séparément les 75-84 ans et les plus de 84 ans (85+years).

Voyons d’abord les premiers (75-84 ans)

C’est une comparaison du risque de décès en fonction de la pression systolique avec comme référent le groupe ayant une pression de 130-139 (en jaune).

Pour chaque intervalle de pression, il y a un carré, un rond et un triangle qui représentent les degrés de fragilité. On laissera ce paramètre de côté (quoique très intéressant) car visiblement ça ne change pas le message principal que tout le monde a compris, j’espère. A gauche de la ligne pointillée verticale, il y a diminution du risque et à droite de la ligne il y a augmentation du risque.

Comme attendu (mais jamais observé par les conventionnels) – et bien que le graphique présente les données en vertical plutôt qu’en horizontal (penchez la tête vers la droite, vous comprendrez) – nous avons une typique courbe en J. Pour les faibles pressions (<130 mmHg), ce n’est pas bon et pour les pressions très hautes (>179), ce n’est pas bon non plus.

Je simplifie le message principal : entre 130 et 180, la pression artérielle n’a pas d’influence sur l’espérance de vie chez les 75-84 ans. Inutile de traiter !

Examinons maintenant les plus de 84 ans.

Je ne refais pas tout le raisonnement, le groupe référent est celui 130-139.

A gauche de la ligne verticale pointillée, il y a diminution du risque et à droite, il y a augmentation du risque de décès.

Je laisse de côté le paramètre fragilité ; et je constate quoi ?

La courbe en J est très atténuée ; mais surtout l’augmentation du risque de décès n’est constatée que pour les faibles pressions (<130).

Pour tous les autres chiffres de pression (y compris >180), il y a une incontestable diminution du risque.

Cette étude magnifique contredit tous les discours téléguidés par l’industrie des médicaments antihypertenseurs.

Elle montre qu’abaisser la pression des seniors en-dessous de 130 est une très mauvaise idée et qu’on peut tolérer chez ces mêmes séniors des pressions bien supérieures à 140 ou 150 sans avoir d’effet négatif sur l’espérance de vie.

Conclusion (qui n’est pas nouvelle et confirme ce que tous les bons praticiens ont constaté) : dans la très grande majorité des cas, il ne faut pas essayer de diminuer la pression artérielle des seniors.

L’heure d’une déprescription massive de ces traitements inutiles et dispendieux pour l’assurance-maladie est venue !

Allez, chers confères et chères consœurs, il faut ouvrir les yeux ; vous avez mes arguments pour défendre vos positions.

Si vos patients voient leur risque de perdre la vie avec l’âge, ce n’est pas (dans l’immense majorité des cas) à cause de leur pression artérielle trop haute.

Deuxième conclusion : qu’en est-il des personnes moins âgées ?