Cholestérol, statines et diabète : "Lettre ouverte" au Pr Grimaldi

Voici le texte (repris par quelques médias) de la Lettre ouverte que j’ai adressée au Pr Grimaldi, le diabétologue qui a pris la tête des « défendeurs » de l’utilisation massive des statines chez les diabétiques et aussi beaucoup d’autres personnes dites « à risque ».
L’enjeu est de taille pour l’industrie (et ses experts subventionnés) car le diabète est typiquement une situation à haut risque de complications cardiovasculaires. Si diminuer le cholestérol avec une statine n’est d’aucune utilité chez les diabétiques, il y a peu de chance que ce soit utile chez d’autres patients « à risque élevé ».


LETTRE OUVERTE AU Pr GRIMALDI DIABÉTOLOGUE

Cher ami et collègue,
Dans diverses tribunes, vous vous insurgez ces jours-ci contre les écrits du Pr Even concernant le cholestérol et les statines.
Je vous sais honnête et de bonne foi ; je sais que votre principale préoccupation est la santé et l’avenir de vos patient ; et je vois qu’avec humilité vous ne prétendez pas déborder les limites de votre spécialité, le diabète.
Je m’adresse donc à vous diabétologue pour parler du cholestérol et du diabète avec confiance car je pense que vous saurez écouter avec attention et modestie un autre spécialiste de ces questions qui depuis plus de 10 ans, et avec des collègues de toutes nationalités, donne l’alerte, y compris dans des publications de haut niveau scientifique.
Vous écrivez que les statines sont de bons médicaments pour les diabétiques et qu’il faut baisser le cholestérol de ces patients ; c’est votre droit de le penser mais c’est autre chose de le prouver sur une base scientifique solide.
Comme vous le savez, pour prouver (au sens vulgaire du terme) une théorie médicale et scientifique, il faut faire des essais cliniques avec tirage au sort et double aveugle ; il faut clairement définir une hypothèse a priori pour ne laisser aucune place au hasard, sélectionner une population adaptée à l’hypothèse testée – ici des diabétiques – et décrire à l’avance les procédures de l’essai (date de début et de fin de l’essai par exemple) et les tests statistiques qui permettront de vérifier cette hypothèse.
Telles sont les règles et pratiques de la bonne recherche clinique, vous le savez aussi bien que moi.
Combien d’essais cliniques testant les effets d’un médicament faisant baisser le cholestérol chez des diabétiques, et respectant ces règles basiques, ont été publiés à ce jour ?
Quatre, et pas un de plus : ils s’appellent CARDS, ASPEN, 4D et FIELD.
Comme vous le savez, trois de ces essais sont totalement négatifs : ASPEN, 4D et FIELD.
Le 4ème, le fameux CARDS, souffre d’un grave problème méthodologique puisqu’il a été arrêté prématurément (deux ans avant le terme calculé dans l’hypothèse a priori) en l’absence de toute justification clinique acceptable – malgré les proclamations des auteurs et du sponsor Pfizer – puisqu’au moment de l’arrêt, on comptait exactement 24 décès cardiaques dans le groupe recevant le placebo contre 18 dans le groupe recevant la statine. La mortalité totale – ou l’espérance de vie sur cette courte période de temps – n’était pas non plus différente d’un groupe à l’autre. Il y avait donc grande urgence à ne pas amputer, en l’interrompant (hors protocole), cet essai clinique. Je vous accorde qu’on pourrait, avec une coupable indulgence, créditer ces investigateurs – et l’atorvastatine testée – du bénéfice du doute.
Malheureusement, les deux autres essais testant l’atorvastatine chez des diabétiques sont totalement négatifs, ce qui du moins nous permet de lever le doute concernant CARDS. En plus – et c’est une observation très en défaveur des investigateurs – ceux-ci n’ont pas déclarés leurs multiples liens d’intérêt avec des entreprises commerciales.
Vous pourriez évoquer d’autres essais cliniques où des investigateurs – peu regardants sur les principes et règles – ont analysé a posteriori les effets d’une statine ou d’une autre sur des sous-groupes de diabétiques constitués sans tirage au sort. Ces études ont une très faible valeur scientifique, vous le savez, et ne devraient même pas être évoqués quand il s’agit de la santé, de la sécurité, et de l’avenir de nos patients.
Un dernier point, cher ami, concerne justement l’effet des statines sur la survenue de nouveau diabète chez des patients jusque-là indemnes.
C’est un très grave problème de Santé Publique et la Food and Drug Administration (FDA) des USA a lancé une alerte en 2012 à ce propos. Vous n’êtes pas sans savoir que ce risque a été admis autour de 30% dans les essais commerciaux type JUPITER et jusqu’à 70% dans les études de cohortes indépendantes comme la Women Health Study. Outre l’évidente minimisation du problème par les commerciaux, c’est considérable – des dizaines de milliers de nouveaux diabétiques en France chaque année à cause des statines – et c’est tragique quand on mesure toutes les complications non cardiovasculaires (maladies infectieuses, déclin cognitif, dépression, pathologies rénales et oculaires ; et surtout nouveaux cancers) auxquelles sont exposés les diabétiques.
Le seul argument des tenants des statines chez les diabétiques, c’est de prétendre qu’il n’y a là aucun problème puisque les diabétiques seraient protégés par leurs statines ; ce qui est absolument faux pour les complications cardiovasculaires (comme démontré ci-dessus) et évidemment aussi pour les complications non cardiovasculaires que les statines au contraire aggravent pour la plupart.
Si je comprends que vous ne puissiez du jour au lendemain admettre l’ensemble de cet argumentaire, je pense qu’il est urgent – plutôt que des anathèmes qui ne consolident pas l’idée que le public et les patients se font de notre profession – que vous convoquiez une réunion d’experts libres et indépendants afin que nous puissions discuter sereinement de l’ensemble de ces questions.
Nous ressortirions tous grandis de cette difficile période.