ALIMENTS BIO OU PAS : FIN DE POLEMIQUE ?

Suite à mon précédent billet, et conséquence de l’article que j’ai publié dans le journal « LE MONDE » du 14 Août, je livre ici un deuxième billet sur le sujet des aliments « bio ». Cela ne peut évidemment pas clore une controverse engagée sur de si mauvaises bases. Il faudrait y consacrer une thèse, et encore il n’est pas sûr que l’on puisse calmer certains protagonistes dont la bonne foi est fort suspecte ! Ce billet correspond à peu près à l’article publié dans « LE MONDE », mais j’y ai ajouté quelques éléments de réponses à des contestations lues parmi les réactions des abonnés du journal. Pas à toutes évidemment car certaines ne méritent qu’une pincée de mépris bien appliquée !


Au mois de juillet 2009, des experts anglais ont décrété que « les produits bio ne sont pas meilleurs pour la santé que les aliments ordinaires« . De nombreux médias ont repris ce message de santé plutôt hostile à l’agriculture biologique. En fait, le rapport complet (consultable à : http://www.food.gov.uk/news/newsarchive/2009/jul/organic) dit seulement, que les aliments « bio » n’apportent pas plus de nutriments que les aliments produits de façon conventionnelle. Ce n’est donc pas une information-santé, mais suggère que le surcoût des aliments « bio » n’est pas justifié.
Nos experts soulignent que leur étude ne traite pas la question des insecticides, herbicides, fongicides et de leurs multiples résidus dans les aliments conventionnels, question de santé pourtant.

Dès lors, pourquoi préférer la courgette ou l’aubergine « bio » ? Parce qu’elles contiennent plus de fer ou de vitamine C ? A priori, non ! Parce que les nutriments importants (vitamines, oligoéléments et polyphénols) sont surtout dans la peau de ces légumes où se concentrent également les pesticides. Donc, si on veut se nourrir (sans risque) avec des aliments riches en saveurs et en nutriments non caloriques, on n’épluche pas ces légumes et donc on achète « bio ».

Pourquoi préférer le pain « bio » ? Parce que rejetant les farines raffinées (ces « calories vides » en partie responsables de l’épidémie d’obésité et de diabète), on préfère le pain complet. Il y a pire comme « calories vides » mais celles-ci en sont !
Or, c’est dans l’écorce des céréales que se concentrent les pesticides et les nutriments non caloriques (fibres, vitamines et minéraux).
Donc, si on veut du pain complet, il le faut « bio ».

Certains diront que l’agriculture conventionnelle respecte des normes drastiques pour les résidus de pesticides. Admettons, un peu naïvement.
Certains prétendent que les « fifrelins de résidus de pesticides présents dans les aliments conventionnels » (je cite une violente réaction à mon article d’un abonné du journal LE MONDE) ne peuvent nuire à la santé. Ce « réactionnaire » semble vouloir s’appuyer sur l’expérience de toxicologues avertis (nullement cités en l’occurrence) et raille ma naïveté de cardiologue nutritionniste. Il ignore sans doute les terribles résultats enregistrés dans des récents essais cliniques où des « fifrelins » de vitamines antioxydantes (ou de sélénium, dosé en micro-grammes) ont provoqué une augmentation totalement inattendue de certaines pathologies (plus de diabète avec le sélénium). Tout dépend donc de ce qu’on entend par « fifrelins » …

Précaution, précaution ! Et prudence face à l’arrogance scientiste !

De plus, que savons-nous de la toxicité réelle de ces agents sur le long terme et de leurs interactions ?
Or nous mangeons trois repas par jour et chaque fois plusieurs aliments contaminés par plusieurs pesticides. Ces agents s’accumulent dans nos tissus.
On leur attribue un rôle causal dans des pathologies hormone-dépendantes (cancers du sein, infertilité masculine, anomalies du sexe des garçons), des maladies neurologiques (Parkinson), des lymphomes et autres cancers et leucémies. Précaution s’impose !

Mais, laissons ces questions puisque le rapport anglais ne traite que de nutrition, pas de santé.
On y trouve une revue de la littérature, avec 150 études pertinentes, quelques calculs statistiques et une synthèse sous forme de deux grands chapitres : l’un concernant les produits végétaux (où 23 types de nutriments ont été analysés) et l’autre les produits animaux (10 nutriments analysés). On laisse de côté une analyse secondaire basée sur une sélection (arbitraire) des 50 meilleures études, et aussi parce que en statistiques, les grands nombres compensent les défauts techniques.
Si des différences significatives entre les aliments conventionnels et les « bio » sont mises à jour dans cette marécageuse base de données, il faut qu’elles soient très résistantes aux facteurs de confusion et reflètent probablement la réalité.

A propos des aliments végétaux, ils observent des différences pour 7 types de nutriments. Ils en concluent curieusement que c’est négligeable. Pourtant, ils rapportent moins de résidus azotés (dus aux engrais chimiques) dans les aliments « bio », mais plus de magnésium et de zinc, ce qui est intéressant puisque nos populations tendent à en manquer.
Il y aurait surtout plus de matières sèches dans les aliments « bio », donc moins d’eau et plus de nutriments ; ce qui est confirmé par des différences significatives pour les sucres, les polyphénols en général et les flavonoïdes dans les aliments « bio ».
Ce qui n’est pas étonnant puisque la plante produit des polyphénols pour se défendre contre des prédateurs. En l’absence de prédateurs (détruits par les pesticides), la plante n’a plus besoin de les produire !

Pour les produits animaux, il y a des différences pour 3 types de nutriments : plus de lipides, plus de polyinsaturés et plus d’acides gras dits « trans ». Ils concluent que c’est négligeable en termes de nutrition (ce qui est très contestable) mais insistent sur les trans.

Que sont ces acides gras dits « trans » ?
Rappelons qu’on distingue les trans industriels résultant de l’hydrogénation des huiles végétales et les trans naturels produits lors de la rumination et présents dans les aliments animaux.
Les deux types de trans seraient, selon ces experts, nuisibles pour la santé car ils augmentent de façon identique le cholestérol sanguin.

Or, les trans différent radicalement vis-à-vis des maladies cardiovasculaires : les trans industriels sont associés à un doublement du risque tandis que les trans naturels sont associés à une diminution du risque.

Mêmes effets sur le cholestérol, effets opposés sur le risque cardiovasculaire !
Ceci illustre, encore une fois, que le cholestérol ne joue qu’un rôle négligeable dans ces maladies.

On voit aussi très clairement ici pourquoi le cholestérol est également un mauvais indicateur de risque.

Tout ceci démontre qu’il est préférable (et prudent) de manger « bio », qu’il s’agisse d’aliments végétaux ou animaux, surtout pour protéger sa santé selon la règle bien connue « que tes aliments soient ta médecine« .
Encore faut-il que cela soit acceptable pour le budget familial et que le surcoût actuel du « bio » soit réellement justifié.
Mais c’est une toute autre question, très importante, que je ne souhaite pas discuter dans ce billet !

Une dernière question concerne l’opportunité de publier ce rapport en Juillet 2009. Est-ce le fruit du hasard ?
Y aurait-il à l’approche des grandes négociations sur l’avenir de l’agriculture européenne une stratégie visant à décrédibiliser une agriculture qui ne soit pas industrielle et productiviste, exportatrice (plutôt que locale), prédatrice des ressources naturelles et dévastatrice pour l’environnement ?
Assistons-nous aux premières escarmouches de la dure bataille qui s’annonce et dont l’enjeu pourrait être l’émergence d’un Monde Nouveau où Mansanto, Unilever et les autres ne seraient pas les rois de la fête ?