Cholestérol et corruption : bas les masques !

 
Nous le savions mais, pour ne pas embarrasser des collègues naïfs, ne pas envenimer un débat difficile avec des questions non médicales ni scientifiques, et surtout laisser un peu de temps à chacun, nous nous étions abstenus d’accuser
Forts de cette apparente passivité de la part de la profession, et de plus en plus inquiets des déboires commerciaux de leurs nouveaux anticholestérol (les anti-PCSK9), les industriels impliqués et leurs complices ont perdu toute prudence.
Ainsi la tentative de corruption éclate au grand jour. Bas les masques !
Voici ce que reçoivent ces jours-ci (Octobre 2017) les collègues Canadiens :
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En d’autres termes, on propose à ces médecins praticiens, et sous couvert d’un ridicule programme « d’approche orientée des traitements anticholestérol » [ça vaut son pesant de cacahuètes…], de les rémunérer grassement en échange de recrutement [enrollment en anglais] de patients fragiles et à haut risque pour…
Pour quoi faire au fait ?
Ça n’est pas dit ! C’est bizarre !
Mais si on cherche un peu sur Internet, on trouve de quoi alimenter sa curiosité :
http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0828282X17306438
Je recopie un petit morceau d’anthologie, corruptrice :
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C’est délicieusement délicat comme suggestion et recommandation. Je traduis : « Les médecins suivront les patients recrutés selon leurs principes personnels mais en ayant connaissance des plus récentes recommandations du Canadian Heart research Centre, une émanation de l’industrie pharmaceutique, qui dit que le vilain cholestérol doit être inférieur à 2 mmol/L. »
Pour y parvenir chez ces patients difficiles, il faut obligatoirement prescrire un médicament anti-PCSK9 !
Menace sous-jacente (mais non écrite) : si vous ne prescrivez pas, vous ne serez pas payés !
Le but de GOAL est donc d’encourager la prescription d’un nouveau médicament anticholestérol qui tarde à rentrer dans les mœurs cardiologiques : tu prescris, je te récompense !
Ils veulent ainsi convaincre 300 cardiologues canadiens de participer à cette farce.
Ils savent que c’est une farce et ils savent que les cardiologues le savent…
Pour les sécuriser à propos d’un éventuel scrupule éthique (on ne sait jamais, y en a encore d’assez couillons pour hésiter !), ils disent qu’ils  s’occupent de tout. Je recopie le petit paragraphe concernant l’éthique et que chacun peut vérifier dans le document complet ci-dessus.
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En d’autres termes : Chers confrères, tout est propre (« sécurisé » comme ils disent), ne vous inquiétez pas ! Et si vous aviez des ennuis, notre Institution vous assistera.
Pas sympa ça ?
Ils sont très sûrs d’eux apparemment. Ils ont sans doute raison : ce ne sont pas les Sociétés Savantes (et autres corporations) auxquelles ils appartiennent qui leur feront des ennuis puisque les dirigeants et sommités de ces Sociétés sont eux-mêmes rémunérés par le très dévoué Canadian Heart research Centre.
Et si les sociétés savantes approuvent, les assurances et les administrations ne diront rien. C’est pour le bien des patients ! Nous prenons en charge l’éducation des médecins !
Pas sympa ça ?
Quand tout le monde bafoue la Loi, il n’y a plus de Loi, dit un proverbe chinois…
Nous sommes donc en présence, sous couvert d’une « fausse bonne conscience » édictée par le très commercial Canadian Heart research Centre, d’une tentative de corruption de médecins qui en théorie sont au service de leurs patients, par delà toute considération commerciale.
C’est bien tentant pour un médecin surtout s’il est en début de carrière. Non seulement il est rémunéré par le Canadian Heart research Centre, mais en plus il force des patients (qui espèrent que tout cela est pour leur bien) à revenir le voir 3 fois en 6 mois, toutes consultations couvertes par les Assurances des patients. Et tout ça dans la poche du médecin qui, bien sûr, vérifiera par des examens adaptés (et dispendieux) à chaque visite que le traitement est efficace et bien toléré. Coûts des examens complémentaires à la charge du patient ou de son assurance qui, de toute façon, rentrera dan ses frais en augmentant les « cotisations » l’année suivante.
Pas sympa ça ?
Bien que je ne sois pas au courant de ce type d’éducation rémunérée des médecins en France pour le moment, je ne doute pas qu’on y vienne assez rapidement !
Tout dépendra sans doute de la façon dont le marché, et la profession, réagiront  !
Espérons que si on ne réagit pas correctement, une nouvelle Loi ne nous y obligera pas, comme on le voit à propos des vaccins, ces jours-ci.
Il faut s’y habituer, la corruption est partout, et pas seulement pour le cholestérol ! Mais les visiteurs de ce blog le savent déjà, hélas !