La cigarette électronique (ou « vapoteur ») : utile ou inutile pour la prévention cardiovasculaire ?

Fumer des cigarettes est mauvais pour notre santé, tout le monde le sait.

Ce ne fut pas toujours évident et l’industrie du tabac (avec les habituels complices et connivents des administrations et des académies) a longtemps résisté, avec comme stratégie simpliste : il y avait des doutes concernant la toxicité du tabac.

L’existence d’un doute dans nos sociétés incite les « braves gens » que nous sommes à ne pas modifier leurs habitudes : les fumeurs continuaient donc de fumer ; de même qu’aujourd’hui beaucoup de médecins continuent de prescrire des médicaments anticholestérol pensant que leur inefficacité et leur toxicité n’avaient pas été prouvées ; ce qu’on peut appeler « rester dans le doute« .

On peut tenir le même raisonnement avec la majorité des vaccins.

Le doute favorise la stabilité ; de même que le doute est une entrave à toute innovation : dans le doute je m’abstiens de tout changement ! Les ingénieurs en marketing font la guerre aux doutes quand ils veulent vendre un nouveau produit !

Sociologie basique, pas la peine d’avoir fait des études !

Les principales complications du tabagisme sont les cancers des bronches et de la vessie et les maladies cardiovasculaires.

Si on comprend intuitivement comment les saletés (goudron et autres) présentes dans la fumée de cigarette empoisonnent (directement) les bronches et (indirectement, après passage dans le sang) la vessie, c’est moins clair pour les maladies cardiovasculaires.

D’où la longue et extraordinaire résistance des médecins à admettre que la cigarette augmentait le risque d’infarctus et d’AVC. Je rappelle [c’est la « petite » histoire mais elle est véridique] que ce sont des vilains chimistes qui ont le plus œuvré pour démontrer la toxicité du tabac avec comme objectif avoué de détourner l’attention des braves gens des horreurs de la chimie.

Et qui s’est fait payer par l’industrie chimique pour ce sinistre travail ? Les épidémiologistes anglais qui plus tard contribuèrent fortement à la propagande sur les statines !
On ne se refait pas ! Le monde est petit !
On aura au moins gagné une bataille contre le tabac avec des alliés inattendus, quoique la guerre ne soit pas finie…

Je me suis personnellement illustré dans cette bataille contre la bêtise, l’ignorance, le laxisme, les industries du tabac et les politiciens (et les administrations qu’ils dirigeaient) complices en publiant au début des années 1980s une très remarquable étude sur l’effet de la fumée de cigarette chez les humains en conditions de vie habituelle. C’était la première fois qu’on observait un mécanisme biologique susceptible de provoquer un infarctus.

Je me suis fait beaucoup d’amis !

Certains ont ça dans leur ADN : l’art de se faire des amis dans le business, le monde politique, les administrations et les médias !

Ce n’était pas le dernière fois ; mais cette première (les gens sont méchants quand on contribue à amputer leurs profits et avantages) m’a vacciné au moins contre une illusion : on ne peut rien attendre des médias quand ils vivent de la publicité ; et la Malboro et les Camels, ça rapportait…

J’ajoute, pour ne pas être à nouveau accusé de « media bashing », que j’ai parfois rencontré des employés des médias qui avaient un sens de la martyrologie aussi développé que le mien… Pauvres de nous !

Je ne vais pas discuter cet ancien article en détails. En bref, quand même, je montrais que chez certains fumeurs la fumée de cigarette [en fait la nicotine qu’elle contient] provoquait une production immédiate (dans les minutes qui suivaient les premières inhalations) et importante de vasopressine, une hormone terriblement vasoconstrictrice qui à elle-seule pouvait provoquer un spasme d’une artère coronaire et sans doute un infarctus du myocarde.

Ce n’est pas la seule façon d’abîmer ses artères par la fumée de cigarette mais la brutalité de la vasopressine explique beaucoup de cas cliniques.

Les autres formes de toxicité sont surtout liées au de monoxyde de carbone présent dans la fumée qui empoisonne l’endothélium et, en conséquence, active les plaquettes et augmente le risque de faire un thrombus (caillot).

C’est facile à comprendre : spasme + thrombus = infarctus !

QUESTION CRUCIALE : les vapoteurs sont-ils aussi toxiques que la cigarette ?

Cette question agite beaucoup ces jours-ci quelques milieux « autorisés » comme disait Coluche, un artiste-peintre que plus personne ne lit ; ce qui est dommage…
On croit comprendre qu’une atroce guerre commerciale oppose les tenants des « cigarettes combustibles » et ceux qui défendent la cigarette électronique, comme on dit chez le Président Donald…

Si on a quelque culture médico-scientifique, la question ne se pose pas : il y a évidemment beaucoup plus de saletés (toxiques pour les bronches et le vessie) dans la combustible que dans l’électronique. Mais pour démontrer qu’il y a moins de cancers avec l’électronique qu’avec la combustible, il faudra 30 ans. Je vous laisse conclure !

Côté cardiovasculaire, c’est plus intéressant car, en principe, il y a moins de monoxyde de carbone dans l’électronique. Mais il y a autant de nicotine sauf si on décide de passer à l’électronique pour essayer de se sevrer de la nicotine ; ce qui n’est pas rien puisque la nicotine est la plus addictive des substances connues pour être addictives. Il n’est donc pas sans intérêt d’examiner si sur une période raisonnablement longue, on observe une différence entre combustible et électronique en termes de risque cardiovasculaire.

Un étude de ce type pose de multiples problèmes méthodologiques qu’aucune technique ne permet de totalement surmonter.
J’ai pourtant repéré une étude récente dont les auteurs semblent avoir compris, avec humilité, qu’ils ne pourraient pas apporter une réponse définitive.



J’en recommande la lecture. Je me contente ici de donner la conclusion : pas de différence significative dans le risque d’infarctus entre la combustible et l’électronique !

Dommage.

Ça ne veut pas dire, pourtant que l’électronique ne soit pas utile pour diminuer le risque de cancers ; mais nous manquerons longtemps de fortes évidences.
Ça ne veut pas dire non plus que ceux qui réussissent à se sevrer progressivement de la nicotine ne finissent pas par y trouver un bénéfice cardiovasculaire.

Mais cette étude nous dit que si on décide d’adopter la technique de sevrage électronique, il ne faut pas traîner… Il faut rapidement diminuer les doses de nicotine !

Car, finalement cette étude nous dit deux autres choses très importantes :
1) ceux qui utilisent l’électronique pour se sevrer de la nicotine échouent, en moyenne ;
2) la nicotine est la substance la plus dangereuse du mélange proposé par la combustible ; j’ai la fierté donc de ne pas avoir cassé les pieds des cigarettiers pour rien : sans en être certain à l’époque, j’avais dès 1985 mis le doigt sur le point crucial pour le risque cardiovasculaire associé à la cigarette combustible.
C’est quoi ?
C’est le couple sauvage et mortifère : nicotine + vasopressine !

Ne leur demandez pas s’ils le savent, vous allez les gêner…

Pourtant depuis 1985, ils ont eu le temps de s’instruire ; avec la lecture d’un Journal qui est aujourd’hui le plus lu de la presse cardiovasculaire, certes bien médiocre.
Les temps ont changé…