ET LE "BON" CHOLESTEROL SOMBRA DANS LE RIDICULE …

Novembre 2009 nous réservait donc une drôle de surprise à notre retour du Japon (nous ferons, bien vite si possible, un compte-rendu de notre mission au Pays du soleil levant et à Okinawa) avec la très subtile étude ARBITER-6 HALTS publiée, sans honte aucune, dans le New England Journal of Medicine, la calamiteuse revue médicale anglosaxone qui fait référence auprès des « experts » des lipides et de la prévention des maladies cardiovasculaires.


Quand je parle de drôle de surprise, je veux dire que pour des chercheurs qui souhaitent montrer que l’idée qu’il y ait un « bon » et un « mauvais » cholestérol est ridicule, la publication d’études totalement biaisées (comme ARBITER-6 HALTS que je vais rapidement décrire ci-dessous) est évidemment une bonne nouvelle.
En effet, cela montre sans ambiguïté que les scientifiques (et les sponsors) qui supportent la théorie du « bon »cholestérol sont, au minimum peu crédibles, au pire des rigolos !
Je reconnais que traiter de « rigolos » des investigateurs qui publient dans le prestigieux New England Journal of Medicine peut paraître arrogant et me faire moi-même perdre en crédibilité, j’en ai conscience.
Mon problème ici c’est que j’ai du mal à trouver des qualificatifs plus appropriés non seulement pour les auteurs de l’étude, mais aussi pour les arbitres (les reviewers comme on dit en franglais) qui ont accepté de publier cet article (et qui sont probablement les auteurs des éditoriaux qui accompagnent l’article) et les éditeurs du journal en question, sans parler des journalistes qui sans aucun esprit critique se font l’écho de ce triste ersatz de science médicale. Qui croirait des rigolos ?

Soyons plus précis : pourquoi ne faut-il pas les croire ?

Parce que les minima requis attestant de la qualité d’un essai clinique ne sont pas réunis dans cette étude.
Chaque année, dans ma fonction de reviewers (arbitre conseillant les éditeurs) pour de grandes revues médicales, je rejette (et je ne suis pas le seul, généralement les autres reviewers sont totalement d’accord avec moi) des articles de meilleur qualité que celui-ci parce que de notre point de vue, ils ne respectent pas les règles basiques de l’essai clinique.
Pour ceux qui voudraient un éclairage un peu plus consistant sur le sujet des règles de l’essai clinique, je recommande la lecture de mes livres sur le cholestérol notamment « Cholestérol, mensonges et propagande« .

Qu’est-ce qui manque à ARBITER-6 HALTS ?

La première grande règle de l’essai clinique pour tester un médicament, outre le tirage au sort, c’est qu’il soit conduit en double aveugle. c’est-à-dire que ni les investigateurs ni les patients ne savent qui prend le médicament et qui est témoin. Ce n’est pas le cas dans ARBITER-6 HALTS et il n’y a aucune excuse de ne pas l’avoir fait.

La deuxième grande règle est de respecter scrupuleusement les termes du protocole : taille de l’échantillon, durée de l’essai. Si on ne le fait pas, on sort du principe de l’hypothèse a priori et on ouvre la porte à toutes sortes de biais.
Les investigateurs de ARBITER-6 HALTS ont arrêté prématurément leur essai sans raison valable. Ils l’ont décapité !

Ces deux violations des principes de l’essai clinique rendent l’essai ARBITER-6 HALTS totalement imprévisible. Bien que les auteurs rapportent une diminution des LDL (le « méchant » cholestérol) et une augmentation importante des HDL (le « gentil » cholestérol) sous l’effet du médicament testé (l’acide nicotinique), on ne peut valider ces résultats, à moins de faire les imbéciles !

On précisera que la technique utilisée (mesure de l’épaisseur de la paroi de l’artère carotide par les ultrasons) pour évaluer la maladie artérielle que l’on prétendait empêcher dans cet essai a été sévèrement critiquée dans des récentes études (notamment l’essai ENHANCE que j’ai décrit dans un billet précédent) et que de nombreux experts avaient juré que plus jamais ils ne s’appuieraient sur cette technique pour évaluer un médicament.

On notera également que :

1) l’article et les éditoriaux sont accessibles gratuitement sur le site du journal indiquant que quelqu’un (le sponsor évidemment) a payé pour nous (MERCI beaucoup !),

2) le jour même de la publication de l’étude, l’article sur l’acide nicotinique dans Wikipedia était « actualisé » avec un paragraphe vantant les mérites de l’étude ARBITER-6 HALTS !

Nous sommes donc indubitablement face à un marketing judicieusement orchestré !

Aujourd’hui, la science est le marketing promotionnel de l’industrie pharmaceutique !

Voilà au passage un bon exemple de détournement d’un outil a priori utile pour notre éducation qu’est Wikipedia :
naufrage aussi !

Le tableau ne serait pas complet si au même moment (et lors du même meeting de l’American Heart Association), une autre équipe testant le même médicament approximativement aux mêmes doses, et chez des patients très semblables, mais en utilisant une technique d’évaluation de la maladie artérielle un peu différente, avait obtenu des résultats diamétralement opposés : l’acide nicotinique n’avait eu aucun effet sur la maladie artérielle malgré encore une notable augmentation du « bon » cholestérol !

On pourrait dire beaucoup d’autres choses sur ce sujet du « bon » cholestérol et des maladies cardiovasculaires (je me permets une nouvelle fois de renvoyer les visiteurs de ce blog à mes livres) mais pour aujourd’hui cela suffit.

Décidément, les mois passent et la conclusion que l’on peut tirer de ce qui nous est servi c’est que les sciences médicales sont arrivées, au moins dans le domaine des médicaments anti-cholestérol, à un degré de ridicule assez fascinant.

Mais, il y a pire : on aurait pu penser qu’avec les nouvelles règlementations des essais cliniques mises en application depuis 2006-2007 environ (il faut du temps pour que les administrations mettent en place leur système de surveillance), on aurait des essais cliniques de meilleur qualité.
Effectivement, il est probable que les essais cliniques négatifs ne sont plus cachés (c’est-à-dire non publiés) ce qui est un progrès incontestable !
Par contre, les investigateurs (et leurs sponsors) prennent l’habitude de violer assez systématiquement (on l’a vu avec les essais ENHANCE et JUPITER par exemple) les règles des essais cliniques.
Et ces brillants scientifiques de trouver des complices dans les Sociétés Savantes et les grands journaux pour publier cette très mauvaise recherche clinique.
Désespoir !