Les vins sans alcool : que peut-on en penser ?

Comme je le montre dans un livre [Poison ou élixir de longue vie ? La vérité sur le vin] à paraître (probablement pendant ou à la fin de l’été 2025), la consommation de vin (faible à modérée) est associée à de multiples bienfaits pour notre santé. Au pire, pour certains problèmes de santé, l’effet est neutre mais presque jamais négatif ; sauf exceptions individuelles. Par exemple, certains d’entre nous (plus nombreux en Asie) sont intolérants à l’éthanol pour des raisons génétiques.

Cet effet globalement positif de la consommation de vin est en contradiction flagrante avec la campagne anti-alcoolique qui fait rage ces jours-ci où il est proclamé que toutes les boissons alcoolisées, y compris le vin, sont toxiques dès le 1er gramme ou la 1ère goutte consommé.

Avec une mention particulière pour un supposé effet cancérigène du vin dès la 1ère goutte…

Les intervenants dans ces campagnes sont généralement des personnes sympathiques – souvent des addictologues – qui croient bien faire mais qui sont dépourvues de toute culture scientifique sérieuse. Ce qui annule leur crédibilité.

Je ne leur en veux pas mais mon métier (depuis 50 ans) étant de dire le vrai rationnellement établi (et aussi ce que nous ne savons pas) – quels que soient les conflits d’intérêt et les conséquences sociales ou politiques – je suis obligé de constater que ces campagnes anti-alcooliques concernent exclusivement les consommations abusives et irrationnelles des boissons alcoolisées ; mais certainement pas une consommation faible à modérée de vins, c’est-à-dire la pratique usuelle de la grande majorité des consommateurs en France.

Peu importe !

Pour essayer de répondre à ces critiques, certains viticulteurs proposent désormais des vins déalcoolisés, prétendant que leurs produits sans alcool conservent les principales propriétés gustatives des vins ; les distinguant clairement des jus de raisin car ils sont quand même le produit d’une fermentation alcoolique.

Différentes techniques sont proposées pour extraire (éliminer) l’alcool de ces vins et en faire des vins déalcoolisés.

Je laisse cette question technologique aux experts et j’admets volontiers que certaines techniques modernes permettent de conserver dans les vins déalcoolisés la majorité des polyphénols (et des parfums) des vins avec alcool.

On prétend qu’un marché (ou un segment du marché des vins) prometteur s’ouvrirait à ces produits sans alcool. Je n’ai pas de commentaire sur ce point particulier.

Les deux questions qui s’imposent néanmoins sont les suivantes :

  1. les vins déalcoolisés ont-ils les mêmes propriétés oénologiques que les vins normaux avec alcool ?
  2. les vins déalcoolisés sont-ils aussi bénéfiques pour la santé que les vins avec alcool consommés faiblement et modérément ?

Concernant les propriétés gustatives de ces vins déalcoolisés, je suis prêt à admettre que certains consommateurs y trouveront de quoi de satisfaire ; mais la majorité des amis des vins, une partie du plaisir gustatif dépendant de la présence de l’alcool dans leur verre, seront déçus. Je ne commente pas plus sur ce sujet.

Concernant les effets sur la santé, c’est une autre affaire. Nous ne connaissons certes pas la totalité des mécanismes biologiques qui expliquent ces effets bénéfiques des vins, notamment ceux qui concernent les polyphénols.

Mais dans le livre Poison ou élixir de longue vie ? La vérité sur le vin, j’explique certains des mécanismes protecteurs clairement identifiés et ils sont généralement attribuables à l’alcool. Ce qui ne veut pas dire que les polyphénols (surtout quand ils sont associés à l’éthanol) n’auraient pas d’effet. J’ai moi-même publié plusieurs études démontrant ces effets protecteurs des polyphénols mais il s’agissait d’études sur animal qui demandent confirmation solide chez les humains.

Cela dit, l’alcool est un toxique, nul ne saurait le nier, mais comme toute substance potentiellement toxique, tout dépend de la dose.

C’est du Paracelse (le fondateur de la toxicologie) basique !

A dose raisonnable (rationnelle) l’alcool a des effets protecteurs pour la santé et les médecins de toutes les époques ont su s’en servir intelligemment.

Le problème est qu’une minorité de buveurs ne sont pas rationnels et qu’ils peuvent mettre en danger (quelle que soit la boisson alcoolisée utilisée) eux-mêmes et autrui.

On revient ainsi à la simple question : tout dépend du buveur !

Mais c’est vrai pour une multitude d’autres objets. Tout dépend de l’utilisateur, rationnel ou pas.

Mettre une automobile ou un couteau dans les mains d’un irrationnel (ou d’un aliéné) peut être criminel ! De même avec une boisson alcoolisée.

En bref, à mon avis, les vins déalcoolisés peuvent avoir une fonction sociale (ou nutritionnelle) mais ils ne peuvent pas remplacer les vins « normaux » avec alcool.