DEPENSES DE SANTE : EN FAISANT MIEUX, ON FERA MOINS !

Il va falloir trouver, ils le disent tous, des milliards d’Euros pour réduire les déficits.
Certains préconisent d’augmenter les recettes, d’autres de diminuer les coûts, notamment ceux d’un Etat Social trop généreux. Beaucoup d’experts recommandent de maîtriser les dépenses de santé [traduction : les diminuer] qui prennent un aspect exponentiel, tandis que d’autres se plaignent de la dégradation galopante de notre système de santé !
L’auteur de ces lignes pense qu’il faut d’abord mieux dépenser et ensuite de façon automatique dépenser moins ou alternativement dépenser différemment, c’est-à-dire affecter nos dépenses de santé de façon plus rationnelle, et surtout plus humanitaire !
Utopique ? Examinons une problématique simple à comprendre, celle des produits de santé, plus particulièrement les médicaments.
Nul ne saurait ignorer que les scandales dits sanitaires se multiplient : un jour des prothèses mammaires frelatées, la veille le scandale du Mediator, hier encore les affaires de l’Accomplia et de l’Avandia, et avant-hier (et pire encore) celles du Vioxx et autres coxibs, pour ne citer que les plus bruyants.
On ne peut pas ignorer non plus que la fréquence de ces scandales augmente et que, vu par l’œil d’un expert aux aguets, nous n’en sommes qu’au début …

Pourtant les procédures d’autorisation (de mise sur le marché), de remboursement et de fixation des prix des médicaments sont d’une étonnante complexité et les contrôles administratifs redondants. Pourquoi une telle répétition d’affaires ?
La consultation du document de la Cour des Comptes (télécharger ce PDF par un clic droit) publié en Septembre 2011, notamment le graphique explicatif de la page 117, aide à comprendre.
En bref, qui est impliqué dans ces procédures ?
Outre l’AFSSAPS (ou l’Agence du Médicament, si on reste au niveau français), et l’HAS (Haute Autorité de Santé), le Ministre chargé de la Santé, le Directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) et finalement le Comité Economique des Produits de Santé (CEPS) interviennent à différents niveaux. Comme dirait n’importe quel contribuable, ça fait du monde, et même beaucoup d’employés, chefs et sous-chefs de bureau.
Alors, pourquoi ça ne marche pas ?
Et pourquoi la France se distingue tellement des autres pays Européens (voir le bilan de la Cour des Comptes sur le site indiqué ci-dessus) en matière de médicaments, à la fois dans leur usage (notamment par les médecins) et dans les coûts générés (et déficits, astronomiques en France en particulier par comparaison avec d’autres pays européens) pour les caisses d’Assurance-maladie ?
Une explication évidente : la faillite de l’expertise !
Car, à la racine de toutes ces procédures, il y a une évaluation (ou expertise) dite scientifique de la valeur médicale des médicaments. On parle de leur SMR, ou Service Médical Rendu.
Prenons l’exemple très simple des médicaments parmi les plus vendus (et générateurs des profits les plus importants pour l’industrie) : les médicaments qui diminuent le cholestérol.
Pour la majorité de ces médicaments nous n’avons pas de données scientifiques solides justifiant leur mise sur le marché, contrairement aux dires des multiples experts subventionnés par l’industrie pour le faire croire.
Et quand nous avons des données scientifiques concernant certains médicaments, elles sont généralement falsifiées (dans le sens qu’elles ne respectent pas les règles de l’expertise), ce qui est aisément vérifiable (par exemple, en consultant mes articles scientifiques ou en lisant mes livres). En d’autres termes, toutes les études publiées à ce jour n’ont pas montré d’effet significatif et indiscutable des médicaments anti-cholestérol sur le risque de crise cardiaque ou d’accident vasculaire cérébral.
Si le SMR de ces médicaments (et leur justification de mise sur le marché) est de diminuer le risque de crise cardiaque et d’accident vasculaire cérébral, la rosuvastatine (ou Crestor, la très couteuse dernière-née des statines), les fibrates (par exemple, le Lipanthyl), l’ézétimibe (Ezetrol), l’acide nicotinique ou certaines dispendieuses associations (telle l’ézétimibe+statine appelée Inegy) devraient être retirés du marché.
Si les plus efficaces des médicaments anti-cholestérol (en termes d’abaissement du cholestérol) n’ont aucune efficacité clinique, que valaient vraiment les anciens médicaments qui furent commercialisés à une époque obscure (celle où le Vioxx était roi !) où nous ne nous posions pas de question sur la validité des études commerciales et la qualité des experts ?
Un examen attentif des anciennes études montre qu’effectivement les règles les plus basiques de la médecine scientifique et de l’expertise ne furent pas respectées.
Il sera cruel de revenir sur les rapports d’expertise rendus aux différentes époques et sur les conflits d’intérêt de leurs signataires. Bref, il est urgent de reconsidérer en urgence le SMR et l’existence sur le marché d’une multitude de médicaments (il ne faut pas s’arrêter aux médicaments anti-cholestérol évidemment) sources de déficits massifs pour l’Assurance-Maladie.
Une évaluation très générale de ces débordements permet de quantifier une économie possible de plusieurs milliards d’Euros ; un milliard d’Euros au minimum pour les seuls médicaments anti-cholestérol, consommés aujourd’hui par 6 à 7 millions de français ; et sans compter les économies générées par l’élimination des effets adverses multiples de ces médicaments toxiques (en plus d’être inutiles), eux-aussi générateurs de coûts ; et sans compter enfin sur l’adoption de mesures réellement préventives de la crise cardiaque et de l’accident vasculaire cérébral, plutôt que de s’abriter derrière l’illusion d’une protection résultant d’une diminution médicamenteuse du cholestérol.
Et on ne se laissera surtout pas entraîner dans la voie de contrôles supplémentaires comme les Agences officielles concernées (elles-mêmes financées grâce à une taxe sur les médicaments commercialisés, une autre sorte de conflit d’intérêt) pourraient le demander en prétextant qu’avec plus de fonctionnaires, on aurait de meilleurs contrôles.
On a seulement besoin de vrais experts, indépendants de l’industrie et libres de tout conflit d’intérêt.
On pourrait même libérer quelques centaines ou milliers de postes de fonctionnaires de ces Agences et les réattribuer aux Hôpitaux ou aux Universités où ils font défaut.
Comment utiliser les milliards d’Euros et les postes de fonctionnaires économisés ainsi (réduction du déficit ou redéploiement) est une décision politique.
Dépenser mieux pour dépenser moins c’est l’affaire de tous !