La controverse sur "cholestérol et statines" dans le journal "Le Monde"
Ci-dessous le texte que j’ai fait parvenir au journal « Le Monde » la semaine dernière, une sorte de réponse aux articles présentés comme « scientifiques » par la rédaction sous la signature de gens qui « oublient » ou maquillent grossièrement leurs liens d’intérêt.
Ça vaut son pesant d’or, comme on dit, et laisse penser que la rédaction du journal « Le Monde » pourrait être vraiment peu « subtile » voire connivente. Je laisse à chacun le soin …
Ceci dit, le journal s’est excusé ce matin de ne par avoir d’espace suffisant pour publier le texte d’un « vrai expert » scientifique (moi en toute modestie) des lipides contrairement aux « autres » qui « avouent » (en toute naïveté) ne pas travailler dans ce domaine …
CHOLESTÉROL ET STATINES : DÉNI ET PANIQUE AU CHÂTEAU !
La publication du livre de Philippe Even concernant « La vérité sur le cholestérol » provoque un étonnant phénomène sociologique : on parle de l’auteur – un ancien professeur de médecine – et de l’objet du délit (l’innocence du cholestérol) sans jamais critiquer textuellement, ou même évoquer, l’argumentaire développé par l’auteur.
En restant sur seulement deux communications parues dans Le Monde – sous les signatures de Steg le 20/02 et de Funck-Brentano et Gueyffier le 19/02 – on reste frapper de l’absence totale d’une part de citations du livre incriminé, et d’autre part évidemment de critiques fondées des arguments de Even.
Où fait-il faux ? Quels chiffres sont erronés ? Quelles interprétations des analyses et études publiées seraient délirantes ?
Faute de contre-argumentaire significatif, le déni de réalité par Steg s’épanouit dans le titre de son communiqué : « Il n’y a pas de controverse sur le cholestérol ! » dit-il.
Devons-nous traduire par : « Cachez cette controverse que je ne saurais voir » ?
Le même Steg affirme plus loin – voulant sans doute clore tout débat potentiel – qu’il n’y a « aucun fait expérimental qui infirme la relation cholestérol et infarctus du myocarde » !
Je suis désolé de dire qu’au contraire il y a un empilement extraordinaire de données scientifiques réfutant globalement la théorie du cholestérol comme cause de l’infarctus ; et spécifiquement l’efficacité des statines pour en diminuer le risque.
Une telle affirmation mériterait un développement scientifique qui est impossible ici ; mais je vais donner un argument décisif à l’appréciation des lecteurs : la plus puissante des statines en termes de réduction du cholestérol – le fameux Crestor que tant de malheureux patients se voient prescrire – a été testé dans 4 essais cliniques en double aveugle [CORONA, GISSI, AURORA, JUPITER] : dans aucun de ces essais (publiés entre 2007 et 2009) les auteurs ont rapporté une diminution de la mortalité cardiovasculaire – le critère de jugement le plus solide et incontestable en cardiologie – et cela malgré des biais méthodologiques favorisant le Crestor.
Aucun autre essai testant le Crestor n’a été publié ; soulevant une question terrible : pourquoi l’Assurance-Maladie rembourse ce médicament inutile ?
Funck-Brentano et Gueyffier, sous le titre provocateur « Statines : ce que dit la science », concluent une analyse très personnelle de l’effet protecteur des statines par ces formules : « Choisir de ne pas prescrire une statine en prévention primaire peut parfaitement être discuté. Faire ce choix en prévention secondaire [chez des personnes ayant déjà fait un infarctus ou un accident vasculaire cérébral] est irresponsable. »
Problème : 3 des essais suscités testant le Crestor [CORONA, GISSI et AURORA] ont été conduits chez des patients en prévention secondaire et ils n’en ont tiré aucun bénéfice. Certains prétendent que les patients recrutés dans ces essais étaient trop malades pour pouvoir bénéficier de l’effet protecteur du Crestor. C’est inexact.
Prenons seulement l’essai CORONA dans lequel 100% des patients tirés au sort étaient des survivants d’un infarctus du myocarde avec des cicatrices d’importance variable sur le cœur, et des symptômes variables de dysfonction cardiaque. La réduction du cholestérol atteignait près de 50%. Ni les patients les plus sévèrement atteints ni aussi les moins atteints n’ont tiré un quelconque bénéfice du Crestor ; et cela ni en termes de mortalité, ni en termes de récidive d’infarctus. C’est un échec total ; confirmé par l’essai GISSI où 50% des patients recrutés étaient aussi en prévention secondaire.
Dans sa grande sagesse, la Haute Autorité de Santé (HAS) affirmait dans son avis du 9 Juin 2010 que « les différente statines n’ont pas d’effet [clinique] significativement différent … » ; ce qui pourrait laisser penser que les statines autres que le Crestor – la meilleure d’entre elles en termes d’effet sur le cholestérol – ne seraient pas plus efficaces que le Crestor ; ce qui poserait à nouveau la question de leur remboursement.
La HAS ferait-elle fausse route ? Un seul essai clinique a effectivement comparé le Crestor avec une autre statine, le Tahor. C’est l’essai SATURN publié en 2011. Comme le prédisait la HAS, le Crestor et le Tahor étaient quasi équivalents dans SATURN.
Syllogisme implacable : si le Tahor n’est pas différent du Crestor et que le Crestor est inefficace, les deux ne servent à rien.
En conclusion, nous avons aujourd’hui une masse de données – dont les lignes ci-dessus ne sont qu’un petit extrait – devant conduire en urgence à un réexamen des recommandations officielles pour la prescription des statines.
La remise en question des effets protecteurs des meilleurs traitements anticholestérol conduit inéluctablement à rejeter – ou à reconsidérer avec la plus grande rigueur scientifique – la théorie prétendant que le cholestérol joue un rôle significatif dans les maladies cardiovasculaires, quel que soit leur stade d’expression clinique.
Témoin innocent, peut-être ! Coupable, rien n’est moins sûr !