Surmortalité et perte d’espérance de vie pendant la COVID

Tandis que que certains professionnels (notamment le célèbre Pr Ioannidis aux USA) et quelques amateurs francophones (récemment convertis à l’épidémiologie) persistent à dire que la COVID n’a pas été pire qu’une « mauvaise grippe » et que les autorités ont fait « beaucoup de bruit pour rien » comme dit Shakespeare, nous voyons apparaître des analyses plus fines de la surmortalité et de la perte d’espérance de vie consécutives à la pandémie dans divers pays.

Ces deux paramètres sont de plus en plus utilisés pour évaluer des grandes maladies chroniques ou des traitements (ou des vaccins) massivement administrés.

Je fais moi-même une analyse de ces paramètres et j’essaie d’expliquer les raisons de cette controverse insensée dans mon prochain et délicieux livre « Dialogue de promeneurs en Covidie« .

En effet, il ne suffit pas de ricaner et moquer les uns ou les autres, il faut aussi essayer d’expliquer les raisons de cette controverse, en fait les sources du malentendu.

En partant du principe (un peu naïf mais indissociable de la discussion entre scientifiques) que les protagonistes de la controverse sont honnêtes et intelligents…

Dans le présent message, je ne vais pas expliquer (comme dans mon livre) pourquoi on se dispute à ce propos et pourquoi on ne le devrait pas, mais donner quelques références potentiellement utiles à ceux qui aiment comprendre.

Tout d’abord, une récente analyse de l’OMS qui « met les pieds dans le plat » comme disent les gastronomes

Je pense inutile de traduire une fois compris que « life expectancy » signifie « espérance de vie ».

Ainsi, et contrairement aux autorités de santé de nombreux pays qui nient les évidences, l’OMS se décide à publier une synthèse des statistiques de santé mondiales (World Health Statistics) qui disent que la COVID-19 aurait annulé plus de 10 années de progrès de l’espérance de vie. Je n’entre pas dans les détails ; c’est une analyse globale (donc limitée) : dans certains pays (USA, Amérique du Sud, Europe de l’Est…) ce fut réellement catastrophique tandis que dans d’autres (Asie, Afrique…) ce fut apparemment beaucoup moins pire. Bref, les analyses régionales sont plus informatives mais une analyse globale (perte d’une décennie de progrès en espérance de vie) a aussi du sens vu par l’OMS. Est-ce vrai ?

C’est vrai et c’est faux ; et les lecteurs réguliers de ce Blog savent pourquoi.

Je simplifie : certes, la COVID-19 a été marquée par une accélération sans précédent du déclin de l’espérance de vie dans les grands pays modernes qui ont des données statistiques crédibles et ouvertes (les USA et l’Europe en général) mais ce déclin avait été observé (initié) AVANT la COVID-19.

L’OMS quantifie ce déclin de l’espérance de vie pendant les 4 années de COVID à l’équivalent des progrès antérieurs mesurés sur 10 ans. C’est inexact pour de nombreux pays qui avaient vu l’espérance de vie de leur population ne plus progresser et parfois décliner pendant la décade qui a précédé la COVID-19 ; mais les autorités sanitaires ne le disaient pas ; possiblement pour ne pas admettre l’échec de leur politique de santé et pour certains (notamment dans les médias) par pure idiotie !

Pour ma part, je pense que cet aveu de l’OMS (ignoré des médias en général) est important à de nombreux points de vue.

Nous entrons dans une phase de déconvenue sanitaire : la santé de nos populations ne s’améliore pas, et surtout pas dans les pays (USA en particulier) où les coûts de la santé ont pris des allures astronomiques.

C’est un échec patent des politiques sanitaires, notamment celles encouragées par l’OMS et les sociétés savantes partout.

Dans un pays comme la France où le régime des retraites est discuté inlassablement, cette évidence (d’une diminution de l’espérance de vie) n’est pas recevable pour ceux dont le principal argument est d’affirmer que nous vivons – et surtout vivrons – de plus en plus vieux.

Je ne dis pas que certains d’entre nous (moi, en particulier) ne devraient pas travailler plus longtemps mais l’argument de l’espérance de vie ne tient pas pour la majorité de la population. Il faudrait changer de musique mais je ne vois pas encore le compositeur qui va proposer une nouvelle partition !

Une autre étude très intéressante concernant la surmortalité a été publiée dans PLOS ONE en Janvier 2024. Elle est passée inaperçue. C’est dommage.

Les auteurs sont français et analysent la surmortalité en France.

Je ne vais pas analyser cette étude dans les détails mais relever un aspect très intéressant que je discute aussi (mais plus longuement) dans le « Dialogue de promeneurs en Covidie« .

Un des buts de cette étude dans PLOS ONE est d’analyser la surmortalité attribuée à la COVID dans les départements français. Cela ne concerne que l’année 2020 donc avant la vaccination.

Je note que l’article est publié en 2024 : 3 ans pour se décider à publier ces données ? Lenteur ou timidité ?

Cela ne concerne donc que les méfaits du virus mais c’est important à considérer quand on essaie de légitimer les décisions radicales (couvre-feu, confinements, obligation des masques, …) prises par les gouvernants pour stopper la pandémie. Ces décisions concernaient TOUS les départements et avaient pour but ultime de protéger les populations.

Que se passait-il vraiment au moment de ces décisions brutales ?

Surprise ! L’ouest de la France a été quasiment épargné ! La carte ci-dessous est extraordinairement explicite.

Les couleurs des départements reflètent les pertes (ou les gains) en espérance de vie dans chaque département. Quand c’est vert, il y a gain en espérance de vie, quand c’est blanc (ou rose) c’est stable ; et plus ça se colore et plus il y a perte d’espérance de vie en années. Jusqu’à moins 2 ans par exemple en Seine-Saint-Denis.

Par contraste, dans le Finistère – je discute l’île d’Ouessant dans mon livre – il y a eu en 2020 un gain en espérance de vie. En d’autres termes, c’est comme si le Finistère (pointe extrême de la Bretagne, pays de mes ascendants) n’avait pas vu le virus. De façon générale, l’Ouest de la France n’a pas vu le virus et a dû pourtant subir les confinements…

Certains pourraient dire que c’est grâce aux confinements décidés en 2020 que l’Ouest de la France a été protégé. Ce n’est pas impossible mais on se souvient qu’au pire de la crise on transférait des patients en TGV de l’Est vers l’Ouest, témoignage que l’Ouest était relativement protégé avant que les confinements aient pu avoir un effet possiblement salvateur.

D’autres pourraient conclure qu’il ne fallait pas imposer des mesures drastiques et autoritaires à tous les départements français de la même manière.

On aurait pu différencier en fonction des situations locales. C’est assez évident !

Mais on pourrait répondre que c’est facile à dire une fois que la crise est finie… Certes, mais [l’art de la discussion objective est dans la répétition des « mais »…] les autorités qui organisaient les transferts de patients d’Est en Ouest le savaient parfaitement. On aurait pu, par exemple, épargner le deuxième confinement aux départements de l’ouest…

Je termine en soulignant que ces disparités régionales ne concernent pas que la France.

Voyons cette carte de l’Europe pour l’année 2020, donc avant toute vaccination..

C’est publié dans Nature Communication 15, 4246 (2024).

Plus c’est foncé et plus il y a perte d’espérance de vie.

On voit immédiatement que le nord de l’Italie a été sévèrement touché par rapport au sud, que le centre de l’Espagne fut également très sévèrement touché par rapport aux périphéries Méditerranéennes et Atlantiques et que l’Europe de l’Est l’a été beaucoup plus que l’Europe de l’Ouest si on fait exception du nord de l’Italie et de l’Espagne centrale.

A mon avis, il y aurait de magnifiques travaux de thèse à conduire par des scientifiques sérieux – laissons de côté les universitaires conventionnels – pour comprendre ces évènements. Ce serait une source d’informations magistrales pour se préparer aux malheurs à venir.

Dans un prochain épisode – si je ne suis pas assassiné d’ici là – je discuterai l’année 2021, l’année de vaccination massive en Europe notamment en utilisant les mêmes paramètre de surmortalité et de perte d’espérance de vie.

En théorie, puisque ces vaccins ont été proclamés efficaces à 95% pour maitriser l’infection, l’année 2021 devrait être celle du miracle vaccinal.

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