Profusion de nouveaux médicaments antidiabétiques : utiles ?

Le diabète fait partie des facteurs de risque majeurs de maladies cardiovasculaires.

C’est un classique des écoles de médecine que nul ne saurait contester.

L’épidémiologie conventionnelle étudie la relation entre diabète et complications cardiovasculaires (infarctus et AVC). Il y a une évidente association et comme il est improbable que l’infarctus (ou l’AVC) soit la cause du diabète, on peut conclure que c’est le diabète qui est la cause de l’infarctus ou de l’AVC.

Question : avons-nous de fortes évidences qu’en soignant le diabète on diminue le risque d’infarctus et d’AVC ?

Difficile question.

En général, soigner le diabète revient à essayer de normaliser la glycémie.

Curieusement, la réponse n’est pas évidente ; et ce 23 Janvier, j’ai donné une conférence en vidéo sur ce sujet difficile.

Des difficultés multiples se présentent si on veut clarifier cette problématique.

Tout d’abord, il y a plusieurs types de diabète et ils n’ont pas les mêmes causes.

Outre le diabète de type 1 (une maladie autoimmune souvent dans l’adolescence) et le diabète de type 2 (dit « de la maturité » et conséquence d’un mode  de vie délétère), d’autres types de diabète ont été récemment identifiés dont on connait mal les causes réelles et l’épidémiologie.

Je résume ci-dessous :

1. Diabète de type 2 auto-immun (ou LADA) un peu comme le type 1 mais retardé aux âges moyens

2. Diabète de type 1B, avec déficit insulinique massif mais non auto-immun

3. Diabète gestationnel (pendant la grossesse)

4. Diabète génétique (le Mody ou Maturity-onset diabetes of the young par exemple)

5. Diabète de type 3 (trouble neuronal du glucose ; avec ou sans Alzheimer)

6. Diabète secondaire (Cushing, corticoïdes, post-pancréatectomie…)

Bien sûr, le plus fréquent des diabètes est le type 2 non auto-immun et quand les médecins parlent du diabète, ils pensent au type 2.

Faisons comme eux (analysons le type 2) aujourd’hui et pour simplifier le message.

Si on accepte la définition du diabète (hyperglycémie chronique), les principales causes du diabète [c’est-à-dire le mode de vie : nutrition délétère et manque d’activité physique pour simplifier] et les traitements visant à diminuer la glycémie [c’est l’objet de cet article], nous sommes confrontés à au moins deux problèmes :

1) est-on encore diabétique si notre glycémie est normale grâce à des médicaments antidiabétiques ?

2) est-ce l’hyperglycémie qui est la cause de l’infarctus (et de l’AVC) chez les diabétiques ou est-ce le mode de vie délétère comme chez les non diabétiques ?

Il est probable que les 2 causes (hyperglycémie et mode de vie toxique) s’additionnent chez le diabétique expliquant, au moins en partie, que le risque d’infarctus et d’AVC soit supérieur chez le diabétique par rapport aux non diabétiques.

Dès lors, surgit une nouvelle question : est-il vraiment efficace de diminuer la glycémie avec des médicaments antidiabétiques dans la perspective de diminuer le risque d’infarctus et d’AVC ?

Les lecteurs auront noté que volontairement je laisse de côté les autres pathologies fréquentes chez les diabétiques : pathologies des yeux, neuropathies, néphropathies, cancers, etc…

Pour une très bonne raison : quels que soient les souffrances et handicaps provoqués par ces pathologies, le pronostic vital des diabétiques est lié au risque d’infarctus et d’AVC. C’est la priorité dans le traitement du diabète.

Est-on capable de répondre à la question : les médicaments antidiabétiques diminuent-ils le risque d’infarctus et d’AVC ?

On pourrait croire que nous avons de nombreuses études solides permettant de répondre.

Ce n’est pas le cas.

Première difficulté : il y a beaucoup (de plus en plus) de médicaments antidiabétiques et ils n’agissent pas tous de la même façon même si leur point commun est de diminuer la glycémie.

Il faut donc les analyser un par un, à commencer par le plus ancien et le plus fréquemment prescrit : la metformine.

Les autres médicaments antidiabétiques modernes [je laisse de côté les anciens, contemporains de la metformine, qui ont été plus ou moins abandonnés] appartiennent à plusieurs classes et la majorité des prescripteurs sont plus ou moins perdus. Je les énumère en simplifiant :

1. les glitazones dont la rosiglitazone [Avandia*] ?

2. les gliptines dont la sitagliptine [Januvia*] ?

3. les incrétinomimétiques dont la semaglutide  dite agoniste du GIP [Ozempic*, Wegovy*] ?

4. les co-agonistes du GIP et du GLP-1 dont le tirzépatide [Mounjaro*]

5. les gliflozines ou inhibiteurs des SGLT2 [Forxiga*, Jardiance*] ? qui sont des inhibiteurs de la réabsorption tubulaire du glucose.

Lors de ma récente conférence (que j’avais bien préparée), je suis arrivé à la conclusion surprenante (au moins pour moi) que nous n’avions pas d’évidence que ces médicaments antidiabétiques modernes diminuent le risque cardiovasculaire.

Pas même la metformine : pas de bon essai clinique favorable à ce médicament tant prescrit ! Elle est peut-être utile pour d’autres complications du diabète mais pas pour la prévention de l’infarctus et de l’AVC ischémique !!

Quant aux glitazones, vue leur toxicité cardiovasculaire, elles ont été retirées du marché, comme disent les commerciaux !

Pour les gliptines, la semaglutide, le tirzépatide et les gliflozines, je n’ai pas non plus d’essai clinique démontrant l’efficacité de ces produits contre l’infarctus et l’AVC.

Il y a certes le cas particulier des gliflozines qui semblent utiles dans l’insuffisance cardiaque sévère probablement du fait de leurs effets sur l’excrétion du sodium ; mais autant prescrire des diurétiques dans cette indication…

Certains de ces médicaments sont potentiellement utiles dans d’autres indications (perte de poids, insuffisance rénale, par exemple) mais ils sont apparemment inutiles pour la prévention de l’infarctus et l’AVC.

Je ne suis pas sûr que la majorité des médecins (et des familles) aient conscience de cette évidence : normaliser la glycémie des diabétiques n’améliore pas le pronostic cardiovasculaire.

Leçon du jour : il faut autre chose que diminuer la glycémie pour se protéger de l’infarctus et de l’AVC.

Les diabétiques doivent impérativement suivre les conseils du Dr de Lorgeril, ceux qu’ils donnent aux non diabétiques !

Suivez le guide en commençant par ses livres…