Grandeur et décadence du Plavix (clopidogrel)

Après mon brillant article sur l’aspirine, beaucoup de visiteurs m’ont demandé une suite : alors on fait quoi ?

Attention, je répète le message précédent : la question ne se pose que pour les monothérapies antiplaquettaires (un seul antiplaquettaire à la fois).

Il y a de nombreuses circonstances cliniques (cardiologie et neurovasculaire essentiellement) où un traitement antiplaquettaire est justifié. Ce n’est pas la question ici !

La question est : une fois l’aspirine éliminée, il n’y a qu’une seule catégorie de médicaments antiplaquettaires à notre disposition, c’est la famille du Plavix, qu’on peut résumer sous le sigle « anti-ADP » puisque ces médicaments interfèrent avec les récepteurs de l’ADP sur les plaquettes.

Ce faisant ils diminuent la réactivité plaquettaire et la tendance des plaquettes à s’agréger (c’est le thrombus plaquettaire) et à libérer des substances vasoconstrictives. Je simplifie beaucoup mais ce n’est pas une caricature.

Parmi les médicaments antiplaquettaires anti-ADP, il y a grossièrement deux catégories : ceux qui sont actifs immédiatement (ils ne nécessitent pas d’être « modifiés » par un système enzymatique du foie) et ceux qui sont des pro-médicaments et qui n’exercent leur activité antiplaquettaire qu’après avoir été modifiés par le foie. Dans cette dernière catégorie, il y a le Plavix.

Ici jaillit un problème que nous n’avons compris que récemment : certaines personnes n’ont pas le système enzymatique du foie optimal pour « activer » le Plavix. On dit que ce sont des non-répondeurs au Plavix.

Il y a un consensus dans la communauté des experts sur le Plavix sur l’existence des ces non-répondeurs. Ça explique sans doute certains échecs du traitement par le Plavix : type récidive d’AVC ou thromboses d’un stent ou autres complications inattendues malgré la prise de Plavix. Certains prétendent que c’est la principale raison de leur préférence pour l’aspirine (plutôt que le Plavix) en monothérapie.

Plus obscure est la réelle prévalence des non-répondeurs au Plavix. Pour le savoir vraiment, il faudrait des études complexes du système enzymatique du foie qui « active » le Plavix. Mon impression est que cette prévalence est de 5 à 15% ; ça doit dépendre des populations, de l’âge et de bien d’autres facteurs inconnus à ce jour. Aussi obscure est de savoir si cette incapacité à « activer » le Plavix est totale chez certains ou peut être partielle chez d’autres. Ce n’est pas clair.

Ça fait beaucoup de questions sans réponse !

A mon avis, il est préférable aujourd’hui de prescrire des médicaments anti-ADP qui n’ont pas besoin d’être « activés » ; à ma connaissance, il n’y en a qu’un seul et je ne vais pas le citer pour éviter d’être accusé de « travailler » pour l’industriel qui le commercialise. Je répète : je n’ai aucun lien d’intérêt avec les marchands de médicaments antiplaquettaires !

Certains « puristes » me diront que nous n’avons pas d’essai clinique indépendants de tout sponsor qui ait démontré la supériorité (statistiquement soutenue) du « nouveau » par rapport au Plavix ou à un petit cousin du Plavix qui est aussi un pro-médicament.

Ici, nous sommes face à un problème crucial : seuls les industriels conduisent des essais cliniques visant à démontrer l’intérêt de leurs produits par rapport à un placebo ou par rapport à un autre produit concurrent.

L’histoire de la pharmacologie clinique (retourner à mes ouvrages sur les statines pour bien comprendre) nous a enseigné que nous ne pouvions pas croire « sur parole » les résultats des études sponsorisées.

Deux autres problèmes insolubles viennent se greffer :
1) les experts qui se prétendent indépendants et les sociétés savantes sont plus ou moins « achetés » par les industriels (qui en l’occurrence se comportent de la même manière que des marchands d’armes ou d’avions) et ne sont pas crédibles ;
2) les autorités sanitaires (toutes puissantes pour « guider » les médecins) sont elles-mêmes peuplées de ces supposés experts peu indépendants et se réfèrent dans leurs conclusions à celles des sociétés savantes qui sont elles-mêmes peuplées de…

Nous n’avons jamais d’étude pharmacologique validée et indépendante !

Il faut donc se contenter des avis des experts libres et indépendants, comme moi-même par exemple.

Ne vous faites aucune illusion, il n’y a aucune chance qu’on me tende le microphone ou le haut-parleur.

Je vais quand même donner mon avis : il y a aujourd’hui suffisamment d’arguments indirects pour préférer le « nouveau » et laisser le Plavix de côté.

Ne retenir le Plavix que si le patient ne supporte pas le « nouveau » pour une raison quelconque (urticaire, allergie, etcétéra) et comme pour tout médicament !

A bon entendeur, salut !