Aparté d'entre deux saisons
Je ne peux résister au moment des vœux et entre deux « saisons » sur les essais cliniques (ou les expérimentations humaines) à faire part du Score médical et scientifique de l’année 2016 selon quelques Autorités très « commerciales » et américaines.
Quelles sont, selon les médias professionnels et scientifiques versés dans la recherche médicale, les grandes avancées de l’année 2016 en cardiologie ?
Ils en ont trouvé 5 formidables ; peu importe l’ordre des 5, car ce qui est révélateur et tragique ce sont les « thèmes » qui ont enthousiasmé les scoristes :
1- l’étude HOPE-3 comparant la rosuvastatine à un placebo en prévention primaire ; j’en ai parlé ici et sur le site de l’AIMSIB (avec même une version anglaise) ; c’est très mauvais sur le plan méthodologique, pour ne pas dire plus… Encore une fois, comment peut-on publier dans des grandes revues médicales des essais aussi biaisés ? Le plus extraordinaire, c’est que tout le monde le sait puisque, malgré l’apparente originalité de l’essai (si on croit ces gens-là), aucune des agences sanitaires, même parmi les plus laxistes, n’a fait comme si cette étude existait et n’a modifié le classement de la rosuvastatine en termes de « Service Médical Rendu » au moins à ma connaissance. « Coup d’épée dans l’eau » dirait D’Artagnan… Ça n’a servi à rien sauf peut-être à entretenir l’idée qu’il faille avoir un cholestérol bas et ainsi préparer la suite prochaine avec les anti-PCSK9 (section suivante).
2- l’arrivée des Anti-PCSK9 sur le marché, ces nouveaux médicaments anticholestérol injectables dont on nous promet monts et merveilles, évidemment, malgré l’absence totale de résultats fiables à ce jour pour avoir une idée du « miracle à venir ». Il est probable qu’on nous prépare, dans la discrétion des cabinets [je ne parle pas des WC bien sûr, ni des ministères…] et avec la complicité des grands experts que tout le monde connait et que personne ne respecte plus (un proverbe Africain dit justement que « quand quelqu’un a de la merde sur soi, tout le monde renifle cette merde » ; c’est beau l’Afrique ; j’y suis né !) des essais cliniques miraculeux testant les anti-PCSK9 ; c’est pour 2017 ; il faut se saisir des « parts de marché » vite ! J’en ai assez parlé dans différents billets, je n’y reviens pas : ça m’étonnerait qu’il y ait là de quoi enrichir nos connaissances médicales sauf à propos de l’art de l’illusionnisme en recherche médicale.
3- les nouveaux médicaments antidiabétiques qui, parait-il, font des miracles de prévention cardiovasculaire. J’en ai aussi parlé dans des billets récents mais sans me prononcer car des experts « prestigieux » se disputent à leur propos ; pas besoin d’en rajouter ; la qualité des études dit tout et explique ces honteuses controverses entre les « pour » et les « contre »…
4- le nouveau médicament de l’insuffisance cardiaque dit Entresto* [une association de sacubitril et de valsartan, c’est-à-dire un inhibiteur de l’endopeptidase neutre plus un antagoniste de l’angiotensine II] ; autrement dit, un médicament de la classe des sartans pour lesquels j’ai les plus grandes réserves (une des molécules de cette classe n’est plus remboursée depuis Juillet 2016) comme je l’ai expliqué dans notre livre « Prévenir l’infarctus et l’AVC », et d’une molécule non encore commercialisée (faute de données solides le justifiant), le sacubitril. Il se trouve en effet que dans un unique essai clinique (l’étude PARADIGM-HF), les investigateurs (très liés au sponsor) rapportent des effets très bénéfiques. C’est étonnant, ça m’étonne mais ça « ne mord pas » (les médecins prescrivent peu) au grand dam de l’industriel (Novartis) qui n’a pas encore compris que plus personne ne croit plus personne… Quelle époque ! Un essai unique et commercial, pas de retour d’expérience des médecins praticiens pour le moment (ils ne sont pas pressés de prescrire et moi non plus) ; mieux vaut ne rien dire de plus que rien…
5- l’élargissement (ou la popularité croissante) des implantations de prothèse de valve aortique sans chirurgie thoracique. C’est la TAVR ou transcatheter aortic valve replacement… Petite industrie en développement ; pas de scandale manifeste pour le moment. N’étant pas un expert de cette procédure, je n’en dirais rien d’autre que si elle est utilisée de façon appropriée par des opérateurs habiles et expérimentés, ça ne peut que rendre service. Juteux business en perspective.
Quel est le message du jour ?
C’est tout vu à simplement regarder les 5 merveilles de l’année : que des nouveautés produites par l’industrie ; pas une seule découverte indépendante digne d’être citée. Les chercheurs libres ne travaillent-ils plus ? Y en a-t-il encore ? Végètent-ils au fond de quelques obscures bâtiments universitaires en attendant des jours meilleurs ?
De mon point de vue, l’époque a réussi ce tour de force de stériliser toute recherche libre et indépendante en cardiologie. Certes quelques uns travaillent, ou essaient, ou font semblant ; mais à ma connaissance, au moins en France, il n’y a plus rien ! Aucun espoir d’innovation ou de découverte médicale avec le « petit » personnel qui aujourd’hui règne sur ces ruines.
La situation est simple : la recherche médicale d’aujourd’hui est conduite presque exclusivement par des industriels ayant des moyens financiers importants et qui parient sur des retours d’investissement significatifs.
La recherche médicale indépendante et libre de toute ingérence commerciale n’existe plus aujourd’hui que sous forme de sinistres balbutiements dans des laboratoires désertés par nos meilleurs cerveaux.
Les états (y compris les USA et la Chine) n’ont pas les moyens d’entretenir et financer des labos de recherche libres et performants. Seul compte le business ! Le goût pour la connaissance et l’art de penser ont disparu de ces sombres territoires.
On forme pourtant des cohortes de techniciens et ingénieurs (pas des chercheurs hélas!) qui iront soit « se livrer » à l’esclavage industriel (souvent contre de bons salaires ; aussi longtemps qu’ils rendront le service attendu) soit s’inscrire à Pôle Emploi.
Désolé ! C’est l’époque de maintenant. Nous avons probablement ce que nous méritons ; mais on peut encore dire non et aider les nouvelles générations à inventer autre chose. Le nez sur leurs écrans, nous écoutent-ils ? Pas sûr !
Essayons encore !