Aspirine ou clopidogrel (Plavix) ou un autre antiplaquettaire après accident coronarien ?

Cette question des médicaments antiplaquettaires fut l’objet de mes premiers travaux de recherche clinique en cardiologie à l’Hôpital Universitaire de Genève au début des années 1980.

C’est une question cruciale et j’y reviens souvent car elle est importante scientifiquement mais surtout médicalement pour la prévention des complications cardiovasculaires.

A l’époque, quoiqu’assez isolé parmi les collègues cardiologues suisses (qui ne s’intéressaient pas aux plaquettes), j’avais obtenu de « joyeux » contrats de recherche de la Société Suisse de Cardiologie, notamment, et je pouvais travailler dans une relative sérénité.
Mon hypothèse de travail était que les plaquettes étaient très importantes dans le déclenchement des accidents coronariens (infarctus) , ce qui est aujourd’hui admis par la très grande majorité, mais aussi dans le développement des plaques d’athérosclérose ; ce qui percute violemment la « théorie du cholestérol » et fait donc l’objet de discussions, sauf chez les défenseurs invétérés des statines qui n’en démordent pas, comme disent les experts canins.

Un point important : il faut bien faire la différence entre les médicaments antiplaquettaires (type aspirine ou clopidogrel) et les anticoagulants, une toute autre matière.

Déjà, lors de mon époque suisse, j’avais des doutes concernant la façon d’utiliser l’aspirine ; du fait de sa pharmacologie.

Mais nous n’avions pas d’alternative (le clopidogrel/Plavix n’existait pas encore) et, faute de mieux, je recommandais l’aspirine pour la prévention des complications cardiovasculaires.

Beaucoup de temps a passé depuis, de nombreux travaux ont été publiés et nous avons beaucoup appris.

Pourtant la majorité de la communauté cardiologique, notamment aux USA (et dans son sillage, la majorité des médecins prescripteurs) reste bloquée sur l’idée que l’aspirine doit être l’antiplaquettaire de référence en toutes circonstances.

C’est une erreur et je ne cesse de le répéter. Contrairement au bon vieux temps où nous n’avions que l’aspirine, il y a aujourd’hui des alternatives : nous avons de très efficaces médicaments antiplaquettaires qui n’ont pas les inconvénients de l’aspirine. Parmi eux, le clopidogrel/Plavix. Et aussi d’autres, je n’entre pas dans les détails pour le moment.

Certes, il faut savoir s’en servir ; ce qui n’est pas donné à tout le monde car il faut avoir compris la physiologie des plaquettes, leurs rôles multiples dans les accidents cardiovasculaires et enfin la pharmacologie de chaque médicament antiplaquettaire alternatif.

Je n’ai aucun lien avec les industriels qui commercialisent ces médicaments antiplaquettaires autres que l’aspirine. C’est dit, je ne le répèterai pas !

Tout ça pour dire que de nombreux médecins, y compris les cardiologues, continuent de prescrire l’aspirine pour la prévention cardiovasculaire, même quand ils peuvent sélectionner un autre antiplaquettaire. C’est une erreur !

Certes, il y a des circonstances où il faut prescrire deux antiplaquettaires, par exemple après stenting, et dans ce cas on ne peut pas échapper à l’aspirine.

Mais c’est temporaire. A brève échéance, il est hautement préférable de ne garder qu’un seul antiplaquettaire. La logique scientifique (sauf exceptions exceptionnelles) voudrait que ce ne soit jamais l’aspirine qui soit gardée seule ; et ça fait l’objet de quelques disputes parmi quelques « experts » peu qualifiés.

Des données récentes devraient permettre de faire cesser ces disputes d’un autre âge.

Dans une grande étude Coréenne, l’aspirine (100mg) a été comparée au clopidogrel (75mg) dans des conditions cliniques que je ne vais pas décrire. Point négatif : l’étude est randomisée mais pas en double aveugle. Point positif : les auteurs n’ont pas de conflit d’intérêt et il n’y a pas de business flamboyant [le clopidogrel est « génériqué » partout] à envisager. Il n’y a probablement pas de biais intentionnel ou non-intentionnel à craindre.

Ce n’est pas parfait mais c’est beaucoup mieux que les analyses de « données dans la vraie vie » que j’ai discutées dans un article précédent.

Surtout, c’est totalement compatible avec nos connaissances sur la physiologie des plaquettes, leurs rôles multiples dans les accidents cardiovasculaires et enfin la pharmacologie des antiplaquettaires.

Je reproduis une partie de la conclusion.

Non seulement ils observent moins de complications ischémiques dans le groupe clopidogrel par rapport au groupe aspirine, mais encore il y a moins de complications hémorragiques, inéluctables à long terme avec ce type de médicaments qui empêchent la formation des caillots (thrombus).

C’est donc tout gagnant ! A mon humble avis, ces données devraient entrainer une mise en application immédiate.

A la condition impérative d’avoir d’abord vérifier que le patient n’est pas résistant au Plavix/clopidogrel.

A mon humble avis, ça va prendre du temps…

Aux USA, par exemple, les experts en sont encore à se disputer sur la bonne « petite » dose optimale d’aspirine (ci-dessous).

C’est étrange, cette inaptitude à voir les évidences quand elles « crèvent » les yeux !

Dans l’étude « ADAPTABLE » citée ci-dessus (et que je ne commenterai pas), les auteurs prétendent utiliser de nouvelles méthodes « adaptées » (selon eux) aux situations modernes où la bonne science est difficile à mettre en oeuvre.

Ce phénomène de laxisme scientifique systématique [sous des prétextes variés] se généralise dangereusement à notre époque, comme on a pu le voir très récemment avec les vaccins antiCOVID. Mais c’est un autre sujet !