Les « mystérieuses » hypercholestérolémies familiales et le risque cardiovasculaire

J’ai déjà écrit sur ce sujet mais comme avec des collègues américains et suédois, nous venons de publier (toute humilité assumée) un article princeps sur le sujet, j’y reviens.

Plusieurs fois je l’ai dit, le terme « hypercholestérolémies familiales » (ou HF) n’est pas approprié. Nous devrions parler d’hyperlipoprotéinémie familiale (ça fait aussi HF) car le problème génétique sous-jacent concerne le métabolisme des lipoprotéines et pas celui du cholestérol : apoprotéine B et LDL-récepteur.
Pour plus de détails, si nécessaire, je renvoie à mon livre « L’horrible vérité sur… »
LDL veut dire « Low Density Lipoprotein ». Laissons la densité de côté.

Le plus simple pour identifier les HF est de mesurer le cholestérol que les LDL transportent car un dosage du cholestérol se fait avec un robot et ne coûte rien tandis que doser des LDL est plus compliqué et coûteux.
Quand il y a beaucoup de LDL en circulation, il y a donc beaucoup de cholestérol et autres lipides dans le sang. Évidemment !
Et chacun des lipides présents dans les LDL peut poser problème, autant ou plus que le cholestérol.

Comment pourrais-je défendre l’idée que le cholestérol est innocent de façon générale et accepter que celui présent dans les LDL des patients avec HF soit dangereux ?
Pourquoi pas ?
Comment répondre à cette question ?

Une seule façon : tester si en diminuant les LDL et le cholestérol des patients avec HF, on diminue le risque cardiovasculaire !
Même le Dr Tournesol et le Professeur Columbo (un grand enquêteur devant l’Éternel) auraient trouvé la solution.

Comment se fait-il que nos plus grands experts, généticiens, lipidologues et autres, ne se retranchent pas derrière cet argument imparable (à mon humble avis) pour défendre l’idée qu’il est impératif d’abaisser le cholestérol des porteurs d’une HF ?

Peut-être n’avons-nous pas d’essai clinique qui ait testé cette hypothèse ? Dans ce cas il serait urgent de procéder…

Mais, en fait, il y en a des essais cliniques incluant des patients avec des HF.
Pourquoi les experts ne les citent-ils pas ?

C’est étrange, dirait le Dr Columbo en se grattant la tête et en tirant sur son cigare, très étrange…

C’est pour répondre à cette étrange étrangeté que nous avons publié notre article. Nous avons essayé plusieurs revues médicales mais notre article était soumis, évidemment, à des experts des HF qui aussitôt nous rejetaient sous divers prétextes stupides…
Je ne reviens pas là-dessus ce serait trop long et ferait honte à ces experts…

Peu importe, nous avons finalement soumis notre rapport sous forme d’une hypothèse plutôt que sous forme d’une affirmation et après quelques pénibles discussions et palabres, l’article a été publié ; le titre est ci-dessous.

Que rapportons-nous de simplissime ? Nous avons trouvé 9 essais cliniques testant si la diminution du cholestérol (ou des LDL) chez des patients avec HF avait un effet sur leur risque cardiovasculaire.

Réponse : aucun effet.

La liste de ces essais est ci-dessous ; chacun peut vérifier.

Certes, comme d’habitude, on peut argumenter sur la qualité des essais ; c’est ma spécialité : la méthodologie en sciences médicales.

Certains diront que ces essais sont trop courts, d’autres trop longs, que l’échantillon était trop petit, que les uns n’ont pas utilisé le bon médicament au bon moment et à la bonne dose, que les autres…
Peu importe !
Les 9 essais sont négatifs alors même que les investigateurs étaient tous persuadés qu’ils montreraient des effets miraculeux de leur traitement salvateur !

Tout s’explique donc.
Dans ce petit monde farci de préjugés, quand la science (médiocre ou pas) n’aide pas à consolider une idéologie, on fait « comme si » ça n’existait pas.

Cela dit, si le cholestérol et les lipoprotéines des sujets avec HF sont innocents, pourquoi certains font-ils des complications cardiovasculaires avec une tendance familiale qui évoque une prédisposition génétique ? Or leur prédisposition génétique ça concerne justement les LDL et le cholestérol.

Le président Columbo a la réponse à ce mystère et c’est expliqué dans notre article : quand on se transmet des anomalies génétiques de générations en générations, il est bien rare qu’on en transmette qu’une seule à la fois. On se les transmet sous forme de « paquets » ; on appelle ça des « clusters ». Il se trouve qu’avec les anomalies génétiques de HF, on se transmet aussi des anomalies génétiques de la coagulation. Et les états d’hypercoagulabilité sont des vrais risques de complications cardiovasculaires, contrairement aux HF (sauf exceptions rarissimes que je ne discute pas ici).

On peut donc avoir une HF [et des taux de cholestérol très élevés], n’avoir jamais de complication cardiovasculaire et vivre centenaire. Voilà un mystère des HF résolu pour nos experts anxieux.

On peut aussi avoir des complications cardiovasculaires de générations en générations sans avoir de HF. Il suffit de chercher l’hypercoagulabilité et un nouveau mystère sera résolu…

Mais il y a d’autres mystères à examiner au moment de Noël…