NUTRITION, CHOLESTEROL ET INSUFFISANCE CARDIAQUE : QUELQUES MOTS

J’avais promis de faire un bref résumé de la conférence que j’ai donnée l’année dernière sur ce sujet particulier (voir le billet du 21 janvier 2010).



Bien que le sujet soit assez spécialisé, il n’en demeure pas moins très instructif pour tout le monde à propos de la question du cholestérol et des maladies cardiovasculaires. Voilà le texte résumé:

Un aspect essentiel de la physiopathologie de l’insuffisance cardiaque (IC) est l’absence de parallélisme entre la dysfonction ventriculaire (le défaut de pompage du coeur) et les symptômes d’IC (essoufflement et fatigue) pendant l’évolution.
J’ai discuté cet aspect des choses dans mon livre sur l’innocence du cholestérol, je n’y reviens pas.

Sur le plan métabolique, il y a un vrai paradoxe car on observe une relation positive entre l’index de poids corporel et le cholestérol d’un côté, et l’espérance de vie des patients avec IC d’autre part.
Autrement dit, faire maigrir et baisser le cholestérol n’a  pas de sens dans l’IC; ce que les essais avec les statines ont clairement montré.

La priorité chez les patients en IC est d’identifier les états de dénutrition.
Ce peut être, au minimum, une déficience en un nutriment spécifique et, au pire, une cachexie cardiaque de mauvais pronostic à court terme.  En effet, le développement de l’IC entraîne une adaptation circulatoire et sélective de l’organisme qui privilégie les organes nobles (cœur, cerveau, rein) au détriment du tube digestif et des muscles. Un enchaînement maléfique se met alors en place, le tube digestif est mal perfusé, l’absorption des nutriments se fait mal, ce qui peut entraîner des déficiences nutritionnelles sévères elles-mêmes susceptibles d’évoluer vers la cachexie cardiaque.

En pratique, il conviendrait d’établir des bilans nutritionnels répétés et complets des patients IC afin d’analyser les habitudes alimentaires, réaliser un bilan biologique, et ainsi identifier les éventuelles déficiences nutritionnelles qu’il faudrait systématiquement corriger.

A titre d’exemple, les apports moyens en sel devraient être limités à 6g/jour, à condition que ce ne soit pas au détriment de l’appétit dont l’altération est une autre source de déficience nutritionnelle.

Par ailleurs, le sel est une source majeure d’iode, oligoélément essentiel à la fonction thyroïdienne. Une thyroïde anormale peut accélérer l’évolution de l’IC. Seule une restriction modérée en sel peut donc être envisagée et associée aux diurétiques pour prévenir la surcharge hydro-volumique typique de l’IC.

Pour l’alcool, contrairement aux idées reçues, même les consommations non modérées ne semblent pas accélérer l’évolution de l’IC. On sera donc libéral, mais pas laxiste, concernant la consommation d’alcool !

Quant au cholestérol, il n’y a pas aujourd’hui de base scientifique solide qui démontre l’intérêt de le réduire dans l’IC.
En effet, les recommandations officielles qui préconisent l’utilisation de statines dans l’IC  n’ont pas été établies à partir d’essais randomisés, mais à partir de méta-analyses construites avec des sous-groupes d’essais antérieurs sans tirage au sort des patients IC, ce qui est regrettable.
Les essais réalisés chez des patients en IC et réellement randomisés (CORONA, GISSI-HF, deux essais conduits sous couverts de la nouvelle règlementation des essais cliniques) montrent que diminuer le cholestérol (ou prescrire une statine) n’est pas justifié dans l’IC.

Ceci est vrai quelque soit l’étiologie de l’IC, y compris le post-infarctus, puisque la grande majorité des patients inclus dans CORONA et GISSI-HF étaient des survivant d’un infarctus.
Une forte proportion d’entre eux n’avaient pas de grave symptôme d’IC, et pouvaient être considérés comme des post-infarctus ordinaires. Eux-aussi n’étaient pas protégés, ce qui est en contradiction avec des essais plus anciens en prévention secondaire de l’infarctus (4S, LIPID), mais conduits avant la mise en place de la nouvelle règlementation des essais cliniques et donc quelque peu suspects.

Conclusion provisoire : ça ne sert à rien de diminuer son cholestérol avec une statine, même quand on a déjà fait un infarctus.